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24 mars 2016 4 24 /03 /mars /2016 18:20
Tous des « Calimero »

  « C’est vraiment pas juste ! »  

 

La réflexion entamée dans les précédents billets, axée sur la modélisation de l’évolution proposée par Teilhard de Chardin, est arrivée à l’étage de la « noosphère », autrement dit la sphère cognitive. Il y a-t-il au-delà un chemin pour la dépasser, pour aller vers un « point oméga », une Vérité d’ordre supérieur présidant sur tout l’univers (dont la géosphère n’est qu’un fragment) et son futur ? Peut-on discerner un point actif particulier laissant entrevoir une telle possibilité ? L’univers est-il inscrit dans une volonté supérieure créatrice, universelle et permanente ?

 

Certains répondent tout de suite « non » : c’est déjà assez compliqué comme cela de s’y reconnaître. L’infaillibilité collective de l’espèce humaine est la réponse à tout. La preuve en est dans les réalités objectives, quelles qu’elles soient.

D’autres se disent « pourquoi pas ? », cela aiderait à sortir psychologiquement d’un monde de plus en plus contradictoire, ingérable et engagé apparemment sur une pente très, très dangereuse. Mais où la sortie se cache-t-elle ?

D’autres répondent d’emblée « oui » par un acte de foi, les « croyants » de différentes obédiences dans toutes leurs variétés, si surprenantes qu’elles puissent paraître dans certains cas.

 

La suite du billet s’adresse plutôt à la deuxième catégorie.

 

Devant les errances comportementales, où trouver un arbitrage neutre permettant de remettre de l’ordre dans les comportements ?

La réponse n’est pas évidente. Essayons de repartir en suivant l’évolution humaine, en revenant au point de départ, au clan réduit à la dimension permise par une collaboration ne reposant que sur la communication orale ou gestuelle et un nombre relativement limité de concepts.

A ce niveau, les conflits de personnes demandaient sûrement des arbitrages, et, pour éviter des affrontements dangereux pour la survie du groupe, les palabres permettaient d’arriver à des arrangements acceptables par tous, plus ou moins de bon cœur. Dans ces palabres différentes notions ressenties étaient forcément présentes, celles de « mérite », de « faute », de « récompense », de « châtiment ». L’aboutissement de ces palabres permettait de dégager la notion d’« équité » reconnue collectivement. Ce fonctionnement collectif est sans doute le fondement de l’idée de « justice » : un outil de recollement des fractures, indispensable pour la pérennité du clan. C’était un outil propre à chaque clan, rattaché à une culture spécifique, et l’étude des populations primitives, il y a encore moins de cent ans, montrait de nombreuses variantes incompatibles entre elles.

 

Etant donné que les collectivités humaines ont grossi démesurément avec les progrès de la communication, qu’elles se sont superposées selon des critères de regroupements différents (ethnies, cultures, regroupements pour l’efficacité technologique, prises de pouvoir politiques pour constituer des empires, etc.), il a été nécessaire d’organiser l’outil. La machine à réglementer s’est mise en mouvement sous la houlette des pouvoirs politiques qui ont très vite compris qu’ils pouvaient ainsi mettre à leur service un outil de pouvoir particulièrement efficace.

 

Le concept de « justice » est devenu particulièrement ambigu.

 

D’une part, chez chacun subsiste un ressenti diffus de justice, toujours lié aux concepts de mérite, de faute, de récompense et de châtiment.

 

D’autre part la « justice » est devenue une institution complètement engorgée de réglementations. Elle a de nombreuses variantes, parfois très différentes et même incompatibles, selon les pays et les dogmes (elles varient d’ailleurs au cours du temps, se complexifiant toujours, chaque nouveau pouvoir en place s’efforçant de la mettre à sa main en prétendant l’améliorer et l’adapter aux évolutions du monde). Elle est avant tout un instrument de maintien de l’ordre politique.

Confrontée à la mondialisation généralisée, cette organisation en patchwork bute régulièrement sur des impasses quand un différent surgit entre des intérêts nationaux différents, et certains savent très bien jouer de ses incohérences. Les difficultés des régimes politiques confrontés à un terrorisme sans frontières est un exemple extrême particulièrement actuel.

Plus elle se complique plus elle accumule les incohérences opérationnelles.

 

Même à un niveau national, la complication et les incohérences du droit sont multiples, y créant des failles exploitables par les spécialistes. La création de nouvelles structures alourdit continument le problème. L’écart entre la « justice institutionnalisée » (le Droit), et la « justice ressentie » est incompréhensible par la très grande majorité des citoyens.

 

Prenons l’exemple de la France.

 

Il existe une foultitude de tribunaux, et pour une même affaire, touchant par exemple le droit pénal et le droit civil, le jugement de l’un n’engage pas toujours celui de l’autre, avec d’autant plus de possibilités de contestation et de recours.

Nous pouvons citer les plus connus :

  • En droit civil, les tribunaux d’instance et les tribunaux de grande instance
  • En droit pénal, les cours d’assises, les tribunaux correctionnels, les tribunaux de police
  • Les tribunaux spécialisés, tribunaux de commerce, conseils de prud’hommes, tribunal militaire, tribunaux administratifs, cour de justice pour les gouvernants politiques
  • Les instances d’appel
  • Les instances d’arbitrage
  • La Cour de cassation, le Conseil d’état, et même le Conseil Constitutionnel.

 

Il y a les jugements sur la forme et les jugements sur le fond, à considérer différemment.

 

 

Les acteurs de la Justice sont tout aussi multiples, avec des rôles répartis : les juges, les juges d’instruction, les procureurs, les jurés, les juges d’application des peines qui refont après coup leur justice à eux, les organismes d’applications des peines (prisons, etc.), sans compter les greffiers, les avocats, les experts, etc.

 

Il y a aussi, bien sûr, le ministère de la justice et ses administratifs. Il est censé garantir l’indépendance de la « Justice » et son bon fonctionnement. Etant donné qu’il procède aux nominations, parler d’indépendance par rapport aux luttes de pouvoir politique est plutôt du ressort de l’humour.

En fait, tous ses acteurs, comme tous les acteurs cités ci-dessus, et d’ailleurs comme tout un chacun, sont prisonniers de leurs positions dogmatiques, et en particulier de l’image qu’ils se font de l’être humain. Elle se rattache à la pensée magique utilisée pour préserver le confort psychologique de l’individu soi-même par rapport aux réalités objectives qui le dérangent (la question a été effleurée dans un bulletin précédent, « Une époque formidable »).  

L’éventail est très ouvert entre deux extrêmes. D’un côté se place une vision très « bisounours » de l’humain : tout le monde il est bon, tout le monde il est gentil, ce sont les contingences qui le pilotent et il en est innocent. Les réalités, à commencer par le comportement particulier de l’individu prisonnier de son dogme, ne comptent pas. C’est normal de poser des bombes au milieu d’une foule innocente quand on ne trouve que cet exutoire à son mal-être dû au reste du monde.

L’autre extrême est une vision à la fois victimatoire, pessimiste et désespérante de l’être humain. Il lui faut se « bunkériser », s’enfermer dans un cadre surprotégé, avec des barbelés et des gardes, et en exclure tous les inconnus.

Dans tous les cas, il faut neutraliser les gêneurs qui empêchent de fantasmer en cercle fermé, et l’on va argumenter « maintien de l’ordre ».

 

Des situations comparables, plus ou moins sophistiquées (donc complexes) et évolutives existent dans tous les pays, … et leur chaos global se manifeste par l’incapacité de déboucher sur des consensus probant. Des procès qui durent  plus de dix ans ne manquent pas, les « affaires Untel » …

Quand il se sent concerné par un jugement, le citoyen moyen, qui n’a que de très vagues notions de ce qu’est « le Droit », a plutôt le sentiment que c’est du « tordu » au bénéfice des minorités au pouvoir. Il est le « tout petit » écrasé par ce qui le dépasse. Il réagit comme Calimero, « c’est vraiment  pas juste ! ».

 

Trouver dans la « Justice Institutionnelle » un terrain pour l’émergence d’une Vérité d’ordre supérieur, valable universellement, comme guide pour « l’Evolution » dans son ensemble selon Teilhard de Chardin, semble bien hasardeux …

 

… à plus …

12 mars 2016 6 12 /03 /mars /2016 08:52
Les marches du trône

 et les allées de la foire    

 

Dans le précédent billet était présenté rapidement le modèle proposé par Teilhard de Chardin pour décrire l’évolution sur notre planète. Il présentait en quelque sorte l’Humanité comme trônant au sommet d’une estrade, dominant mentalement et opérationnellement par ses capacités intellectuelles le reste de la création. Son ouvrage date de 1955 et le temps passe vite.

 

Revoyons-le un peu, à la lumière des avancées de la recherche scientifique.

 

Sa réflexion est inscrite dans le temps, donc ne peut démarrer qu’au moment du « big-bang ». Il est possible cependant de remarquer que l’univers physique qui en est issu dans la figuration proposée repose sur une strate sous jacente, constituée du domaine de la physique quantique. Cela n’a aucune importance, le point alpha du raisonnement peut très bien être placé au moment de la constitution du globe terrestre. C’est le futur qui intéresse.

Le raisonnement logique humain est essentiellement dirigé vers la recherche d’arborescences de causes à effets. Il s’inscrit forcément dans une vision temporelle des réalités.

Il est tout à fait possible de s’évader de ce tropisme par l’utilisation de la logique mathématique où la dimension temps n’est qu’une dimension parmi d’autres, utilisée ou non dans les raisonnements. C’est indispensable pour fouiller les composantes de la strate quantique mais elle n’est pas prise en compte dans le schéma proposé par Teilhard.

 

L’empilage proposé de domaines chaotiques, chacun en complexification croissante au cours du temps, comme les ramures étagées d’un arbre, suggère de chercher des aides conceptuelles dans les études plus récentes menées sur les milieux chaotiques, ne serait-ce que pour le vocabulaire.

Ces études mettent en particulier en évidence que, dans un milieu perçu comme chaotique, sans règles apparentes, des « émergences » insoupçonnées se révèlent. Elles se manifestent par la découverte d’un « ordre » jusque là inapparent. Ainsi, les caprices du temps qui ne trouvaient aucune autre explication que magique ont été décryptés sur des bases scientifiques et la météorologie a fait faire progresser considérablement la prévision.

 

Toute novation représentative d’un « ordre nouveau », jusque là inapparent, est concrétisée par des règles vérifiées scientifiquement et se manifeste rarement avec l’évidence de l’éclair. De brutales révélations telles que celles symbolisées par la baignoire d’Archimède ou la pomme de Newton restent des exceptions. Les règles qui s’imposent finalement pour la compréhension des phénomènes sont généralement le fruit de tâtonnements conceptuels progressifs.

 

Dans notre recherche de sens à l’évolution, bien sûr, c’est la sphère cognitive, la noosphère de Teilhard, et sa prolifération en de multiples rameaux, qui fascinent. Les strates subalternes sont déjà largement sous les projecteurs de la recherche scientifique. Néanmoins quelques novations n’ont guère été soulignées mais elles concourent au fonctionnement de notre strate en expansion. Alors faisons-le.

 

La première est la notion d’identité et d’historique. Dans la géosphère, tous les composants ne sont connus que par leur genre, molécule d’un certain type, océan, cristal de ceci ou de cela, etc. L’inscription possible de chacun de ces composants élémentaires dans un cursus temporel, si l’on prend le soin de les identifier individuellement, permet de leur associer un historique et de rendre unique leur prise en considération. Le Mont Blanc n’est pas l’Everest et ne lui est pas substituable dans un raisonnement sur la tectonique des plaques au cours du temps. L’évolution n’est pas réversible.

 

Une autre intervient dans l’étude de la biosphère, l’identité liée au matériel génétique d’un être vivant. Si l’on veut prendre en compte de manière fine les lois qui régissent ce domaine, tout particulièrement le Darwinisme qui y joue un rôle important, c’est indispensable. Il apparaît ainsi de manière indiscutable les fractures entre l’individu, sa variété, son espèce, son genre. C’est la distinction formelle et probante entre un individu humain et « les autres ».

Certes, les manipulations génétiques peuvent introduire des remue-ménages dans le Darwinisme, mais la base sera toujours là en arrière-plan, le jeu de la sélection naturelle dans le domaine du vivant soumis à une concurrence inter-espèces et intra-espèce.

 

Les novations présentées par la sphère cognitive, les plus fondamentales pour son développement et sa complexification, ont été d’abord l’intelligence symbolique, la capacité pour le cerveau de traiter des concepts abstraits, indépendants des affects opérant, conscients (par exemple les ressentis sensibles) ou inconscients (par exemple l’effet de réflexes innés ou acquis). Elle marque la frontière entre le monde animal et l’humain.

Ensuite la représentation symbolique des mots du langage : l’écriture.

Elles ont installé l’espèce humaine sur un trône pour dominer (et asservir) les constituants des strates inférieures. A elles deux, elles ont permis le développement de plus en plus explosif du « phénomène humain », la prolifération accélérée de l’étage de la pensée humaine, dans ses multiples directions.

 

En première approche, nous pouvons citer les plus apparentes :

  • la recherche scientifique, basée sur l’élaboration d’hypothèse vraisemblables et la recherche de confirmations dans l’exploration des réalités objectives.
  • la pensée magique, justement destinée à fournir des explications à toutes les constatations psychologiquement dérangeantes (voir le triangle de Sigaut dans le billet précédent) et qui ne trouvent pas de justifications logiques avérées par des constats objectifs. Elle ne se limite pas aux croyances religieuses mais elle investit tout le champ opérationnel, partout. Les échecs répétés des gesticulations politico-financières dans la crise multidimensionnelle actuelle en témoignent par exemple.
  • les mathématiques. Elles reposent sur la démarche qui consiste à concevoir conceptuellement des « objets mathématiques », purs concepts parfaitement définis, mais en vrac, et à trouver et définir les liens logiques qui permettent de les relier dans une cohérence sans faille. Elles sont une aide devenue indispensable pour les démarches de type scientifique.
  • les innovations technologiques, dans tous les domaines, industrie, agriculture, gestions administratives, finances, politique, communication, loisirs, etc.
  • la gestion de l’information, qui est devenue un monde à part. Elle s’applique indistinctement à tous les types d’informations, exactes (reposant sur des constats objectifs), erronées volontairement ou non, fantasmatiques liées à la pensée magique, etc.

 

Toutes ces novations permettent à chaque être humain de se constituer son propre ensemble de convictions, d’essayer en insérant des liens entre elles, d’en constituer un système (au sens de la systémique) cohérent, afin de gérer lui-même son propre ressenti psychologique. Ceci est indispensable pour décider de ses comportements.

 

En somme, la sphère cognitive se présente comme un vaste foirail, sans clôtures. Chacun peut y installer sa boutique, qu’elle soit minuscule ou envahissante, qu’il soit du genre « Nobel », ou « lapin crétin » (quel genre a-t-il le plus de followers ?)

 

Une remarque en passant mérite d’être faite.

Dans le langage savant, une vérité assimilée à une réalité dans les raisonnements qui y font référence, est appelée « axiome ». Chaque être humain se constitue son « système d’axiomes » comme point de repère. Il lui est propre même si des similitudes existent entre familles conceptuelles. Ces axiomes présentent des liens entre eux, ce qui permet de les considérer comme un « système individuel spécifique ». Leur apparente cohérence globale est indispensable pour sauvegarder le confort psychologique de leur collectionneur.

Il se trouve que dans les mathématiques, la notion de système d’axiomes est bien connue. Elle permet d’isoler un ensemble de postulats et autres objets mathématiques liés entre eux afin de les étudier sans être distrait par d’autres objets mathématiques sans interférences décelables, afin de décrypter leurs liens et mieux cerner leur connaissance. Rien n’empêche d’appliquer à un système quelconque d’axiomes le raisonnement mathématique. Il suffit de les considérer comme des objets mathématiques, des postulats, des démonstrations, des équations ou des « fonctions » par exemple, sans aller plus loin, et de ne rechercher qu’en premier lieu leurs liens et leur cohérence, s’assurer qu’il n’existe pas d’incohérence dans les raisonnements existentiels.

 

Le mathématicien Kurt Gödel (1906-1978) a démontré qu’un système d’axiomes ne pouvait être à la fois être complet, pouvoir se suffire à lui-même aussi loin que l’on pousse les raisonnements, et être cohérent, c'est-à-dire ne comportant aucun axiome réfutable. C’est « le théorème d’incomplétude » de Gödel.

Comme quoi la pensée magique ne pourra jamais être évacuée d’un ensemble de convictions individuelles, elle a tout l’avenir devant elle. Nous pouvons même constater qu’elle n’a jamais été autant diversifiée, complexification de la sphère cognitive oblige.

Le recours perpétuel à la « langue de bois » et la manipulation de l’information, de la part des commentateurs officiels de l’actualité, sont une façon de masquer la vacuité des raisonnements en vigueur, sans affronter le risque de démentis flagrants de la part des réalités.

 

Si nous cherchons une piste pour situer la position probable d’un « bourgeon sommital » éventuel, point de départ pour une poussée de l’évolution vers un « point oméga » synonyme de Vérité d’ordre supérieur, nous avons la possibilité de considérer les différents domaines de la sphère cognitive afin d’y déceler l’endroit où la porte est ouverte vers un saut métaphysique, vers une strate de nature complètement différente. Si nous trouvons des indices, nous seront cependant confrontés à un mur infranchissable pour notre logique intellectuelle actuellement en fonctionnement. Les éléments de la géosphère sont confrontés à la logique de la biosphère et la science n’est toujours pas capable d’expliquer ce qu’est la Vie. Elle est un constat, c’est tout.

Les êtres vivants sont confrontés à l’intelligence symbolique des êtres humains. Ils restent, sauf notre espèce, enfermés dans l’Animalité et ils sont bien forcés de se soumettre à la dominance de l’Humanité.

Comment pourrait-on croire à la possibilité de comprendre le fonctionnement d’une strate d’ordre supérieur avec notre simple intelligence humaine ?

 

… à plus … 

7 mars 2016 1 07 /03 /mars /2016 16:39
Nous vivons une époque formidable,

 mais pas spécialement confortable.   

 

Un billet récent évoquait le sens de la vie. Est-ce un thème intéressant ?

 

En fait, l’être humain est régulièrement confronté à la nécessité d’adopter un comportement approprié aux contingences de son existence.

 

Il peut le faire en laissant jouer des réflexes automatiques, sans pour autant s’en rendre compte. Certains d’entre eux sont inscrits dans son patrimoine génétique. Beaucoup ne sont en fait que des réflexes acquis. Depuis son plus jeune âge, chacun d’entre nous a été l’objet d’un conditionnement de fait, plus ou moins structuré, de la part de ses parents, de son environnement proche, de ses éducateurs, des courants médiatiques d’information, de l’adoption au titre de la « pensée magique » de dogmes pour fournir des explications aux surprises qui pourraient le déstabiliser, etc.

Dans la plupart des cas, il est persuadé que son comportement est logique, adapté aux circonstances, alors qu’en fait il est prisonnier de son ressenti.

A ce propos de ressenti, il est intéressant de se référer au fameux « Triangle de Sigaut ». Il établit qu’en fait, l’être humain est à la recherche constante d’un certain confort psychologique en traitant les incohérences qui le déstabilisent. Ces incohérences sont perçues entre son ego, sa perception des réalités, et sa perception du comportement des « autres ». Son ego est quasiment intouchable. Il lui reste à se positionner par rapport aux deux autres pôles et le moyen le plus facile pour le faire est de maquiller les constats en laissant jouer l’auto-persuasion, en choisissant ce que l’on veut voir, et en occultant sous des prétextes divers les constats qui mettent en question son comportement.

Finalement, l’être humain qui adopte ce comportement intuitif est complètement le jouet du monde chaotique qui l’environne, des modes, des pulsions consommatrices, des réglementations, des pensés dominantes, des mythes qu’il vénère, etc. Il est embarqué dans un bateau ivre.

Il semble bien que ce soit le cas d’une grosse partie de l’humanité.

 

L’autre attitude est d’essayer d’inscrire sa réflexion dans une recherche de sens pour la vie humaine, afin d’inscrire son propre comportement dans une continuité cohérente avec ce qui est perceptible d’un futur logique à essayer de percevoir. Mais aussi, il est nécessaire de tenir compte des « autres », car nous sommes tous ensemble sur le même bateau ivre.

 

Existe-t-il des pistes pour aller dans une telle direction ?

 

Depuis le « je pense, donc je suis » et le surhomme de Nietzche, la réflexion métaphysique s’est embarquée dans le nombrilisme. Les « penseurs » ne recherchent plus de guide ailleurs que dans les ressentis de leur ego. Pour eux, c’est là que se niche une Vérité fondamentale. De là à imaginer qu’il peut en sortir quelque chose de cohérent avec toute la variété des nombrils de la planète ! Faudrait pas rêver…

 

Il y a-t-il d’autres pistes ?

 

Un philosophe soigneusement laissé sur la touche a abordé la question. Il s’agit de Pierre Teilhard de Chardin. Il faut dire qu’il cumulait les étiquettes : prêtre, théologien, scientifique reconnu, philosophe à ses heures, bref, un collectionneur de caractéristiques parfaitement incongrues pour la philosophie bien installée, politiquement correcte par rapport à l’existentialisme nombriliste régnant en maître.  

 

Il a décrit l’évolution, spécialement du globe terrestre, comme un arbre, un peu de type araucaria. Un pied enraciné dans la réalité de l’univers pousse vers le haut une tige. Celle-ci s’épanouit en un bouquet de branches poussant horizontalement, et foisonnant dans toutes les directions. A un moment donné, du bourgeon terminal jaillit le prolongement du tronc. Celui-ci à son tour produit une nouvelle couronne de branches, et d’étage en étage, l’arbre pousse vers le ciel.

 

A chaque étage, la nature des branches horizontales évolue. Il s’agit de l’installation d’un monde chaque fois nouveau. Il a ainsi décrit l’évolution comme une croissance par strates empilées, composées chacune de constructions d’un nouveau genre. Elle part d’un point alpha à la base pour aller vers un point oméga, encore quelque peu perdu dans les nuages. Chaque étage progresse horizontalement au prix de l’accroissement de sa complexité, mais il peut abandonner des pans entiers de ses constructions, qui disparaissent, n’étant plus rattachées à rien, tels les dinosaures au sein des de l’animalité.

A la base est la « géosphère », le domaine des matières brutes, avec ses lois physiques, chimiques, tectoniques ou climatiques.

S’y greffe en superstructure la « biosphère », le domaine de la vie, qui s’est lui aussi mis à proliférer par toutes les espèces vivantes ou disparues. 

Son bourgeon sommital est l’espèce humaine, et il s’en dégage une nouvelle strate, la « noosphère » que nous appellerions maintenant la « sphère cognitive », domaine de la réflexion, de l’information, de la recherche de sens aux réalités. Elle est actuellement en train d’exploser dans sa dimension de cumul d’informations, utiles ou non, futiles ou non, objectives ou non, logiques ou non, avérées, fallacieuses, manipulées, trompeuses, … ou non.

Logiquement, une strate supérieure devrait s’y enraciner, le point oméga. Sommes-nous à la veille d’en percevoir la manifestation ?

 

La strate cognitive se développe de façon explosive avec les progrès des techniques de traitement de l’information. La strate biologique est profondément bouleversée par le comportement de l’espèce humaine. La strate géologique subit les effets de cet activisme humain, et l’environnement en est atteint. Nous pouvons avoir l’impression d’une accélération de plus en plus incontrôlée de « l’évolution », donc l’apparition proche d’un fût axial qui va tout bouleverser.

 

C’est une situation exceptionnelle, les prémisses d’un ordre nouveau. C’est une époque formidable du point de vue de l’évolution, mais pas nécessairement facile à vivre pour nous.

 

La modélisation proposée par Teilhard de Chardin date un peu. Les réalités et les connaissances scientifiques ont sensiblement évolué depuis qu’il a décrit « Le phénomène humain ». Sans doute un petit coup de plumeau sera-t-il nécessaire pour essayer d’y voir plus clair. Est-ce une piste pour la recherche d’un sens à la vie ?

 

 

… Esope … 

18 décembre 2015 5 18 /12 /décembre /2015 17:43
Il est long le chemin, mais où conduit-t-il ?

 Et dans quel sens faut-il l’emprunter pour y arriver ?   

 

Le billet précédent nous laissait au bord du chemin du « progrès » mais sans préciser ce qui fait l’attractivité prétendue de ce fameux progrès de l’espèce humaine.

Il nous mettait en face d’une interrogation : l’avenir de l’espèce humaine est-il à orienter, grâce aux boussoles ou aux GPS des « valeurs » (indicatives du « bien ou mal »), ou à être confié au sort commun des espèces vivantes, à savoir la sélection hasardeuse mise en évidence par Darwin, basée sur les évolutions de l’environnement combinées à la concurrence inter-espèce et intra-espèce ?

 

S’embarquer sur la l’analyse des valeurs pour essayer de trancher semble une impasse. Leur germination individuelle peut avoir de multiples origines, dont l’endoctrinement à des fins discutables. Leur foisonnement est incontrôlable et relève aussi bien de la réflexion logique que du fétichisme. Leurs contradictions entre individus est ingérable. Est-il bien ou mal de décapiter un congénère ? Même sur une question existentielle aussi cruciale les avis divergent. 

Pour trancher, il faudrait faire appel à une Vérité d’ordre supérieur, à une « morale » propre à l’espèce. Ce serait ouvrir la porte à des oppositions dogmatiques irréductibles, à un tohu-bohu généralisé.

 

Pourtant, ce qui a fait la réussite de l’espèce humaine, c’est cette référence au « bien ou mal ». Elle permet en effet de fédérer les multiples capacités créatives des êtres humains pour générer une créativité collective sans limites apparentes.

C’est aussi elle qui génère le doute métaphysique et qui perturbe les réflexions fondamentales.

Pour certains, « l’arbre de la science du bien ou du mal », par son fruit, est la cause de l’expulsion de l’être humain de l’Eden primitif ou ne régnait que l’insouciance animale, celle qui ne se confronte pas à une recherche du sens de la vie. Certes, cette image procède d’une référence religieuse, mais son message est universel si l’on veut bien l’examiner indépendamment de tout dogmatisme.

 

Pourtant il nous faut trancher. Les circonstances nous y obligent. L’humanité est engagée dans une impasse et s’y engouffre en accélérant.

La Terre est une planète, tout le monde le sait. Ses ressources sont limitées. Ce sont elles qui permettent la consommation humaine. Mais à la fois :

  • la population humaine augmente continument,
  • les ressources terrestres sont de plus en plus entamées,
  • les équilibres environnementaux sont désorganisés par l’activité humaine,
  • les consommations par individu augmentent en diversité et pour certaines en quantité,
  • donc les destructions de ressources non renouvelables ont tendance à s’accélérer,
  • les promiscuités encombrantes et la concurrence vitale accroissent les causes de fractures entre les peuples et au sein des peuples, et donc les risques de conflits meurtriers,
  • les moyens de destruction massive ont fait des progrès énormes et peuvent sur un coup de folie empoisonner toute la planète,
  • les moyens médiatiques se perfectionnent, touchent de plus en plus de publics, et sont en très grande partie dédiés à la promotion de la consommation dans toutes les directions à la fois, directement ou indirectement.

 

Le choix d’un sens pour la vie humaine devient de plus en plus inévitable.

 

Nous connaissons tous l’obsédante présence de la référence bipolaire « bien ou mal » mais il est possible de l’ignorer volontairement. Pour certain ce rejet est devenu un réflexe entretenu avec persévérance. Il est pour eux un repli vers l’insouciance animale irresponsable primitive, mais avec en contrepartie le retour vers la sélection darwinienne originelle. Le choix factuel entre l’animalité métaphysique, résultant d’une telle oblitération de toute valeur dérangeante, et la prise en considération respectueuse de la condition humaine est donc déjà inscrit dans les réalités. A quoi pourrait nous mener un tel repli s’il se généralisait ?

 

Plutôt que de développer des raisonnements fatalement fastidieux, mieux vaut prendre des illustrations, faciles à interpréter comme sont les fables animalières.

Si l’on veut choisir un exemple d’ « animalité » savamment organisée en classes de populations et d’activités, le monde des abeilles est beaucoup plus comparable à notre système socioéconomique que celui de toute autre espèce d’animaux sociaux. Il y a peut-être aussi le cas des termites mais il est moins connu.

Certains ethnologues ont fait le rapprochement entre l’espèce humaine et les primates qui vivent de façon clanique, tels que les chimpanzés, les macaques ou autres babouins. Ils ont mis en évidence que d’importants réflexes comportementaux chez les humains sont identiques aux leurs. Notre espèce véhicule encore dans son ADN les dispositions innées des primates chasseurs-cueilleurs-sociaux adaptés au schéma darwinien. Notre problème est que notre ingéniosité collective a imposé des structures sociales beaucoup plus sophistiquées, mais qui sont indispensables à notre économie de subsistance collective infiniment plus complexe. Ce n'est plus une prédation collective inorganisée, de ressources locales en vue d’une consommation immédiate. La pomme d’Eve et Adam nous est tombée sur la tête.

La vie des abeilles est beaucoup plus structurée que celle des quadrupèdes supérieurs. Elles n’ont pas un encéphale leur permettant, je pense, de développer des considérations métaphysiques basées sur le binôme « bien ou mal ». Ceci nous offre la possibilité de contempler un fonctionnement purement animal et cependant très intelligemment organisé.

Nous y reviendrons.

 

En face de l’animalité matérialiste, certains brandissent comme un trophée (dont ils s’attribuent le mérite) la réalité humaine actuelle en la qualifiant de « progrès ». Si l’on se réfère aux avis de la majorité des humains, basés sur leur éventail individuel de valeurs intimes et les satisfactions qu’ils tirent de leur existence, il se dégage un accord global. Certaines évolutions vont vers le « bien », d’autres dérivent vers le « mal », mais il subsiste un très important reliquat pour lequel il n’y a pas de majorité car le ressenti du bien ou mal dépend fortement d’intérêts très individuels. Ceux-ci sont généralement en opposition entre individus.

De fait, nous ne pouvons pas faire un rapprochement entre le sens de la vie et un mythique progrès sans passer par des débats très approfondis, et régulièrement réactualisés, portant sur des « principes universels », sur leur respect et sur leurs conséquences.

Nous y regarderons aussi.

 

Pour revenir au dilemme initial, faut-il aller vers une animalité darwinienne très structurée,

… ou vers un « progrès » bien maîtrisé, vers une résonnance harmonieuse entre créativité individuelle et créativité collective orchestrée par une vision « bien ou mal », reposant sur des principes respectés universellement mais qu’il reste à débattre sur le fond et à imposer collectivement ? Peut-on compter sur une « intelligence collective » émergeant progressivement de l’omniprésence de la religion consumériste, matérialiste et  aveuglée par les intérêts individuels ?

 

… à plus …

1 décembre 2015 2 01 /12 /décembre /2015 21:20
Le sens de la vie a-t-il sa boussole ? …

 

 et les GPS actuels sont-ils bien adaptés ?

 

 L’actualité médiatique est saturée par les informations relatives aux atrocités qui déchirent la société humaine. Elle se concentre sur ce qui est le plus spectaculaire, les violences en cours ou en préparatifs. Elle néglige complètement leurs causes profondes, celles qui se situent au niveau des neurones qui commandent les comportements.

Les motivations qui entraînent ces tragédies, le déclencheur initial, est complètement occulté par le bruit et la fureur. Allons-y voir car il ne semble pas que les commentateurs s’en préoccupent beaucoup.

 

Nous constatons que les dérives des esprits déboussolés conduisent à des errances tragiques.

Esprits déboussolés ! Mais existe-t-il encore des boussoles pour les esprits à l’époque du GPS ? Il est tellement facile de capter un réseau qui fonctionne partout et de se fier à son écran ! Réfléchir devant une carte et une boussole est contraignant. La boussole est un dispositif archaïque et capricieux et le Nord se perd facilement, et puis, à quoi sert-il ?

Des GPS mentaux, on en trouve dans toutes les zones commerciales dédiées aux idées, et sur les nombreux sites d’endoctrinement par correspondance.

« Soyons modernes, que diable ! Il y aurait des GPS qui ne sont pas à jour et ils peuvent être trafiqués ? Première nouvelle ! Moi, le mien est bon puisqu’il m’a été recommandé par un copain … »

Pour fournir un exemple de GPS mental bien trafiqué, un article parmi d’autres, paru sur le dernier numéro du magazine Le Point est instructif :

http://www.lepoint.fr/monde/daech-ce-qu-ils-pensent-de-nous-27-11-2015-1985190_24.php

Il existe aussi d’autres GPS concurrents, très efficaces eux aussi, mais provenant d’autres fabricants et faisant miroiter un paradis sur terre.

 

Ce que les esprits déboussolés recherchent, ce n’est pas le Nord, c’est à s’orienter dans la vie, à l’inscrire sur un cheminement jalonné de repères bien apparents.

Pour aller n’importe où, mais pour y aller en suivant des repères, la vie moderne est truffée de dispositifs comparables à des GPS, à des panneaux indicateurs plus ou moins fiables, ou à des panneaux publicitaires.

 

 

Passons maintenant à un dialogue imaginaire.

 

  • Donner un sens à sa vie, c’est facile, c’est savoir ce que l’on veut, c’est vouloir « être bien » !
  • OK, j’ai compris. Mais cela veut dire aussi que l’on peut « être mal » n’est-ce pas ? Alors, question suivante. C’est quoi être « bien » ?
  • (Ce qu’il peut être casse-pied ce questionneur !) Etre bien, c’est bien profiter de la vie sans trop emmerder les autres parce que si on les emmerde, ils viennent vous gâcher la vie.
  • OK, mais ne soyez pas grossier, les gens grossiers donnent envie aux autres de leur péter la gueule. Bon. Comment peut-on bien profiter de la vie ?
  • C’est simple, il faut avoir du fric.
  • Comment avoir du fric quand on n’en n’a pas ?
  • Soit en bossant, soit en le piquant dans la poche des autres.
  • C’est « bien » de bosser ?
  • Non, ça fatigue, ça prend du temps et ça empêche de profiter de la vie.
  • Alors c’est « mal ». Et alors piquer dans la poche des autres ?
  • C’est selon. Il ne faut pas que ça se voie que c’est vous. Sinon tout le monde vous tombe dessus et ça fait mal. En fait, il n’y a que quelques petits malins qui savent y faire. Moi, je n’y suis jamais arrivé. D’ailleurs, je n’ai jamais essayé, je n’ai pas envie de me retrouver en cabane.
  • Donc pour vous c’est « mal » ?
  • Ben oui !
  • Donc pour être « bien », il faut être « mal » …
  • Votre histoire du sens de la vie commence à vraiment à me pomper l’air. Bye-bye. Je vais regarder mon smart-phone pour chercher une boîte pour m’éclater.

 

Moralité de ce dialogue, le sens de la vie pour les protagonistes est étroitement lié au sens du « bien » et du « mal ». Des dialogues du même genre, il est facile d’en imaginer des quantités mais ils conduisent tous à la même constatation.

Il n’est pas étonnant que toutes les réflexions qui prennent du recul sur les tragédies actuelles aboutissent à l’évocation de « valeurs morales », « principes fondamentaux » et autres concepts. Ou alors, elles ne font que proposer d’autres drames en perspective.

 

Dans le billet précédent, j’ai abordé la question de l’existence des principes moraux. Ils se situent au niveau conceptuel et pratiquement tout le monde y fait finalement référence (y compris Chomsky que je commentais). Directement ou indirectement, ils sont des panneaux indicateurs pour distinguer ce qui est  « bien » de ce qui est « mal » dans les comportements. De là à prétendre qu’ils sont universels, clairs et facile à interpréter, il y a un fossé. Et puis il n’existe aucune certification, aucun label de garantie universellement admis pour les valider.

Dans le billet, je soulevais aussi la question de leur genèse. Elle aurait peut-être pu leur fournir une légitimité, ou tout au moins une explication pour ceux qui cherchent à réfléchir. Question sans réponse. Nous avons le choix entre génération spontanée collective irréfléchie, endoctrinement, révélation d’une Vérité d’ordre supérieure à celui de la biosphère, et même combinaison de deux, ou des trois explications. Les débats sur ce sujet ont rapidement tendance à dégénérer.

 

Une autre difficulté provient de leur tendance à se multiplier au fil des perplexités rencontrées dans une vie humaine. De nouveaux principes apparaissent avec des domaines d’application de plus en plus ciblés, mais aussi avec des incohérences paralysantes au niveau opérationnel, si l’on est rigoriste. Est-il bien ou mal d’être patriote ? et mondialiste ? Ces deux positionnements sont maintenant présentés comme des repères comportementaux majeurs dans certaines situations. Ils se retrouvent très souvent en opposition si la question se pose de manière pratique, par exemple pour une grande décision d’ordre économique au niveau mondial. Avec le COP21, nous allons sans doute le constater. Il existe des rigoristes absolus pour l’un ou pour l’autre mais la grande majorité des avis navigue péniblement entre les deux. La procrastination n’est pas une solution durable.

Des principes aussi révérés que la Liberté et l’Egalité se révèlent déjà en opposition dogmatique dans bien des cas concrets (confère aussi le billet précédent). La Fraternité qui pourrait peut-être alors servir d’arbitre est généralement aux abonnés absents.

 

A défaut de les appréhender par leur origine, un autre moyen de les aborder pourrait être de les considérer en fonction de leur utilisation et de leurs effets, en théorie et dans la réalité. En existerait-il d’autres ?

 

Pour tenter d’y voir plus clair il faut déjà mettre un peu d’ordre dans tous ces repères évoqués pour séparer le bien du mal. Ces concepts se mélangent. Préciser le vocabulaire courant qui s’y applique est indispensable pour en débattre.

Pour ce faire, je propose de faire la distinction suivante.

Appelons « valeurs » ce qui se manifeste au niveau du ressenti, du for intérieur, et qui sert de repère individuel pour classer les comportements des autres, mais qui sert aussi à se situer soi-même par rapport aux autres. En quelque sorte, c’est le domaine de l’incommunicable, de ce que l’on peut seulement évoquer.

Appelons « principes » les concepts qui servent à communiquer entre individus, qui sont utilisables comme éléments de langage. Un même « principe » correspond-t-il à des valeurs relatives à un même ressenti et à une même priorité chez plusieurs personnes en exercice de communication, rien n’en donne l’assurance. Mais ils permettent de débattre.

La déclinaison des principes en des « droits et devoirs universels » fournit des propositions comportementales, quant ils ont été suffisamment débattus pour pouvoir être institutionnalisés par consensus.

 

L’individu qui réfléchit se forge une opinion à partir de son ressenti de « valeurs », de son degré de conviction par rapport aux débats sur les « principes », de sa soumission aux « droits et devoirs », et de la contrainte exercée sur lui par la réglementation qu’il est tenu de respecter. Il lui reste à se débrouiller pour choisir entre le « très bien », le « bien », le « moins bien », le « moins mal », le « mal », et le « très mal ». Pour pratiquement tous ceux qui essayent consciemment de piloter leurs décisions, il y a le risque d’être déboussolé. Alors que dire des autres !

Devant la complexité grandissante du système socio-économique, devant donc la difficulté de choisir des repères, l’échappatoire courante est de ne pas réfléchir au « bien ou mal », de s’en remettre à l’habitude, au mimétisme de proximité ou au GPS de l’endoctrinement pour conduire sa vie. Les valeurs, les principes, les droits et les devoirs, s’absentent du raisonnement. La vie peut devenir alors une errance irréfléchie en recherche de jouissance. Le « bien » et le « mal » ne sont que des constats a posteriori fondés sur « l’agréable ou désagréable ».

 

 Mais alors, si « le bien et le mal » peuvent ne servir à rien, comment se fait-il que le concept soit si omniprésent ?

Sans doute parce que son usage est indispensable pour trouver un sens à la vie. Ce n’est pas le fait d’être athée, agnostique, croyant de telle ou telle religion, qui permet d’échapper à ce tropisme du jugement « bien ou mal », de la recherche consciente de sens, de l’idée de piloter soi-même son existence entre les écueils qui en parsèment le cours.

 

Donner du sens à sa vie, c’est peut-être ce qui fait l’originalité de l’espèce humaine. Les animaux se contentent sans doute de repérer dans leur expérience « l’agréable ou désagréable », « le dangereux ou inoffensif », « l’attirant ou repoussant », « l’indispensable ou superflu », …, de mémoriser leurs constats et de faire jouer leurs réflexes innés ou acquis. Ils vivent leur vie sans se plonger dans la réflexion métaphysique provoquée par des raisonnements qui conduisent à une vision bipolaire du « bien ou mal » pour guider leurs comportements.

C’est sans doute ce qui fait la supériorité créatrice de l’espèce humaine en rassemblant des foules afin d’obtenir une formidable efficacité collective. Mais c’est probablement aussi son point faible : la vulnérabilité psychologique.

 

Si la réflexion métaphysique est tellement sujette aux risques de l’endoctrinement, au bénéfice d’intérêts individuels très particuliers, est-ce à dire que l’idéal de vie est la vie animale, instinctive, obéissant aux pulsions relatives à la consommation, à la sexualité, à la distraction, à la préservation clanique, dans un contexte général de concurrence intra-espèce et inter-espèces ?

Mais pour une espèce animale, figée dans un tel « matérialisme bestial », c’est quoi « le progrès » sinon la soumission sourde et aveugle aux hasards de la sélection darwinienne ? Est-ce souhaitable pour notre espèce ?

Je vous laisse réfléchir et je vais faire pareil de mon côté.

 

… à plus …

25 septembre 2015 5 25 /09 /septembre /2015 09:59
Modèles statiques et modèles dynamiques en macroéconomie

La conduite au rétroviseur   

 

La macroéconomie s’attaque à un domaine gigantesque : les activités économiques de production et de consommation de presque huit milliards d’acteurs élémentaires installés sur une planète de 40 000 km. de circonférence. Excusez du peu !

Les effets macroéconomiques de ces activités sont connus par de l’information condensée et ils motivent les macro-décisionnaires, pour prendre leurs macrodécisions qui impactent des dizaines ou des centaines de millions d’acteurs individuels. Ceux-ci les perçoivent comme des dérangements dans leurs habitudes, et ils les interprètent comme ils le peuvent, pour essayer d’en retirer un maximum de profit et/ou un minimum de désagrément.

 

Cette information condensée, tellement nécessaire aux macrodécisions, provient de la distillation de la foultitude des chiffres qui émanent des comptabilités de tous les organismes, des déclarations de tous les contribuables, des agissements de tous les services fiscaux, des contrôles douaniers, etc. Elle est le résultat du traitement industriel de toutes ces informations collectées, par tous les ordinateurs mobilisés pour en extraire des statistiques, avec en couronnement les statistiques annuelles, par pays et par macro-secteurs économiques.

Le traitement industriel en question n’est pas mené au hasard, il est organisé pour fournir des informations bien cataloguées afin de répondre à la curiosité de spécialistes, les économistes. Leur rôle est de les présenter en particulier aux grands décideurs, avec un accompagnement de commentaires, de diagnostics, et de recommandations.

 

D’abord, que valent ces informations de base ?

 

Déjà, il est à remarquer que, pour pouvoir en tirer une vision cohérente globale, elles sont libellées en chiffrages monétaires. Pour permettre des analyses transfrontières, elles sont généralement converties en la monnaie habituelle de référence, le Dollar.

Cette première remarque conduit à considérer que ces chiffres sont sujets à caution car ils dépendent des cotes et des taux de change. Ceux-ci sont l’objet de manipulations intenses au service d’intérêts très particuliers qui passent complètement à l’écart des réalités économiques triviales du terrain.

 

Ensuite, il est à noter que cette façon de soupeser l’économie ignore complètement de nombreux facteurs qui jouent cependant un rôle important : les traditions, les modes, les évolutions technologiques, les contingences environnementales, les conflits politiques et géopolitiques, les dogmes, l’impact psychologique du chômage, la démographie, etc.

L’économie est une émergence à partir de la nébuleuse des milliards de comportements individuels. Ceux-ci sont le fait des milliards de ressentis particuliers des habitants de la planèt, mais la quasi-totalité des individus ne consulte pas les statistiques et n’a pas la moindre idée de ce que pourrait être une macroéconomie objective.

 

Enfin, les critères de regroupement sont assez arbitraires et tiennent à des considérations de forme plutôt que de fond. J’ai déjà effleuré le sujet à propos du brouillard qui couvre la notion d’investissement. On pourrait par exemple soulever un autre rideau, celui qui habille la notion de revenu. La distinction entre un revenu capitalistique et un revenu considéré comme lié au travail productif, ou entre une rente et un salaire, ne tient qu’à des choix administratifs, de la commodité d’information, et non aux motivations et aux activités réelles des personnes concernées, et donc à leur représentativité économique. Dans un autre registre, apprécier le niveau de vie dans un pays indépendamment des contingences locales est aussi bien arbitraire.

 

 

Pour prendre leurs grandes décisions, les grands décideurs écoutent leurs économistes préférés, parfois courtisans. Après avoir pris leurs avis, ils méditent en liaison avec leurs propres préoccupations politiques. Ils ne les suivent d’ailleurs pas toujours car ils peuvent être dérangeants pour leur cursus clanique.

Leurs grandes décisions sont évidemment destinées à faire évoluer le cours des choses, c’est leur rôle.

 

Etant fondées sur des données comptabilisées, sur un temps donné, à une date donnée, il résulte des statistiques une photographie figée, une modélisation statique de l’économie. Or, pour faire évoluer le cours des choses, il est indispensable de placer les réflexions dans des perspectives de causes à effets. Il faut raisonner non seulement sur des résultats comptables, mais en identifier la dynamique. Les économistes projettent en conséquence, les unes après les autres, les images annuelles pour animer leur écran. 

 

La dynamique macroéconomique est une émergence à partir d’un chaos (c’est dit plus haut) mais toutes ces activités sont liées. Il faut y trouver une logique pour relier de manière cohérente les évolutions des chiffres qui figurent dans les différentes cases des statistiques annuelles.

Les économistes, conscients de cette nécessité pour leurs analyses, leurs commentaires et leurs recommandations, sélectionnent dans la panoplie qui leur est offerte les dogmes et théories qui conviennent à leur sensibilité personnelle. Ils en tirent des conclusions quant aux ressorts cachés qui provoquent l’émergence macroéconomique et ses évolutions.

Ils sont nombreux et ils sont loin d’être tous d’accord. Il suffit de regarder tous les remous soulevés par l’ouvrage récent de Thomas Piketty, « Le capital du XXIème siècle », pour s’en apercevoir.

 

Afin de présenter une dynamique à partir de chiffres historiques, chacun d’entre eux a sa méthode.

Les plus primaires se fient à leur intuition, font une hypothèse, et cherche à la vérifier en picorant ce qui leur convient dans les statistiques.

D’autres veulent une méthode plus scientifique, reposant sur une base mathématique, s’appuyant sur des équations et des calculs justificatifs, afin de déceler des tendances par le calcul. Selon leur culture mathématique, ils utilisent des outils plus ou moins sophistiqués. Les plus simples font appel à des systèmes d’équations linéaires, d’autres se lancent dans l’utilisation d’équations différentielles. Les plus impressionnants pour le vulgum se servent d’équations tirées des théories du chaos, mises en branle dans de puissants ordinateurs, comparables à celles qu’utilisent les météorologues pour prévoir le temps qu’il va faire.

 

Nous pouvons au passage remarquer que les météorologues arrivent assez bien à expliquer les raisons du temps qu’il a fait dans un passé proche, à prévoir le temps qu’il va faire dans les quelques jours qui viennent, et qu’au-delà ils sont très évasifs. Nous pouvons aussi noter qu’ils utilisent des données indiscutables, car basées sur des instruments de mesure que personne ne cherche à influencer à sa propre convenance, pressions, températures, orientation des courants d’air ou d’eau, taux d’humidité, orbite et rotation terrestres, etc. Par ailleurs, la logique de base des phénomènes étudiés est celle de la thermodynamique, que personne n’est en mesure de bricoler à son profit.

 

Pour utiliser des équations, il faut sélectionner des variables, puis les relier par des opérateurs logiques plus ou moins complexes. Pour en tirer des résultats, il faut que ces variables soient quantifiables. Ensuite, il suffit d’affecter des valeurs à certaines et la logique mathématique permet d’en calculer d’autres. Pour avoir une modélisation dynamique des phénomènes, météorologiques, économiques ou autres, il suffit que le temps fasse partie des variables sélectionnées.

Il faut quand même ne pas se contenter de découvrir mathématiquement des corrélations pour en déduire qu’une variable est liée à une autre. Ainsi, la pollution chimique de l’atmosphère et la longévité humaine croissent toutes les deux régulièrement depuis plus de cent ans. Les statistiques sur le sujet ne manquent pas et il suffit d’un traitement mathématique élémentaire pour s’en apercevoir. De là à en tirer argument pour exposer que c’est la pollution atmosphérique qui prolonge la vie humaine, il n’y a qu’un pas que je ne vous incite pas à franchir : ce ne serait pas politiquement correct.

 

Dans les équations plus ou moins sophistiquées des macro-économistes, les données sont évidemment tirées des statistiques. Elles ne prennent en compte que les données comptabilisées. Comme elles sont très nombreuses, chacune avec son libellé conventionnel, il faut faire des choix pour limiter à quelques unes le nombre de variables à prendre en considération. De nombreuses corrélations différentes peuvent être subodorées. Chaque économiste fait sa sélection en fonction de ses intuitions personnelles et arrive à des résultats peu cohérents avec ceux de ses concurrents.

Les autres facteurs des ressentis, donc les autres causes des comportements individuels, non chiffrables, ne peuvent pas être intégrés dans les équations. Les manipulations intéressées de certaines cotes, les influences médiatiques, la mutation des besoins vers le ludique ou le gratifiant chez les plus aisés, les émergences technologiques, les évolutions environnementales, les contagions dogmatiques, etc., ne peuvent pas intervenir dans les raisonnements mathématiques.

 

En foi de tout cela, m’est avis que considérer avec crédulité les avis des économistes bien en cour est assez hasardeux …

 

Existe-t-il un autre moyen pour repérer la dynamique installée par les faits dans l’économie ?

 

J’ai une suggestion, et suis même allé plus loin, j’ai tenté le coup. Plutôt que de prendre en compte leurs effets passés, il est possible de regarder directement les activités, de les distribuer sur une grille d’observation mieux adaptée que celle utilisée pour établir les statistiques traditionnelles, et de les observer non plus selon leurs résultats comptables mais selon l’influence qu’elles ont les unes sur les autres.

Ce ne peut être fait, évidemment, que de manière très macroscopique étant donné l’ampleur du sujet, mais cela donne déjà des explications au fait que les grandes décisions des grands dirigeants se révèlent incapables de sortir notre pays et l’Europe de la crise multidimensionnelle généralisée où ils s’enlisent.

 

Il n’y a pas d’outil miraculeux. Il n’y a qu’à (alors faut qu’on !) essayer de regarder directement les inter-réactions directes entre les activités pour les « griller »  convenablement, indépendamment de leurs acteurs car ils peuvent combiner chacun plusieurs natures d’activités. Il existe une méthodologie pour cela, l’analyse systémique appliquée à l’étude des processus, et en se servant du macroscope cher à Joël de Rosnay.

C’est cette façon de faire qui permet en particulier de comprendre la raison de résultats comptables apparemment paradoxaux, par exemple, le fait que ni booster l’offre, ni booster la demande, ne parviennent à booster la croissance d’un PIB.

Tout ceci en gros le thème de l’ouvrage évoqué à la page « Le masque d’Esope » de ce blog (je viens de le terminer).

 

Nos dirigeants, mais ce n’est pas limité à la France, pilotent en ne regardant que les situations révolues, au travers de données incomplètes et distordues par la déformation institutionnalisée des instruments de mesure.

Sur une route cahoteuse, ils conduisent en ne regardant qu’un  rétroviseur déformant et au champ réduit. La crise a installé le véhicule économique sur un chemin de montagne et nul ne s’avise de découvrir par d’autres moyens ce qui peut se trouver devant : un boulevard, un tournant, une zone verglacée, un précipice, ou plus probablement une piste qu’il resterait à choisir, à tracer et à aménager ?

 

… à plus …

 

 

30 juillet 2015 4 30 /07 /juillet /2015 11:07
L’ « investissement financier », …

… un mirage multiplicateur prolifique !

 

Précisons-le tout de suite : dans le titre de ce billet, entre guillemets, il n’est question que de l’investissement  financier, l’investissement dans des placements divers.

Ce « placement » financier, consiste en l’acquisition à titre onéreux d’un support quelconque, qui figurera à l’actif d’un bilan factuel, afin de bénéficier d’une plus-value au moment de sa revente ou de sa liquidation. Il est le fait, bien sûr, des fonds de placements, mais aussi des activités de placement aussi bien de la part des banques de dépôt, que des services financiers d’organismes engagés par ailleurs dans l’économie réelle, ou que de particuliers.

L’ « investissement productif » est tout à fait autre chose, il consiste à acheter des richesses consommables, biens ou services, en vue mettre en fonctionnement des moyens de production supplémentaires. Il n’est qu’un type particulier d’achats de consommation. Plutôt qu’une panacée, il est un impératif pour assurer une espérée croissance, ne serait-ce que pour faire face aux évolutions démographiques ou aux mutations technologiques.

 

Pour décrypter le rôle des placements, examinons de façon assez macroscopique le fonctionnement d’un « fonds de placement ».

 

Il emprunte des liquidités qui stagnent sur le compte courant d’une personne (physique ou morale) que nous qualifierons « épargnant primaire ». Il le fait en arguant d’une plus-value d’une manière ou d’une autre. Cet emprunt se traduit, en contrepartie des liquidités prêtées, par la possession par le créancier d’un titre de souscription (qui peut revêtir diverses parures), preuve d’un droit lors de sa liquidation à des plus-values supputées.

Il engrange donc des liquidités en échange de droits à des plus-values. Pour la liquidation de ces droits, en fonction des engagements pris, le fonds rémunère versement initial et plus-values avec les disponibilités qu’il a amassées d’une manière ou d’une autre. Compte tenu du versement de plus-values, il est nécessaire que la quantité de liquidités entrant dans le système soit en croissance continuelle.

 

Vu comme ainsi, cela fait penser à un système de Ponzi : la dynamique de croissance, par sa notoriété, attire les souscriptions. Mais alors, tôt ou tard, le système s’écroule car la croissance doit être exponentielle pour entretenir cette dynamique. C’est impossible en pratique et les souscripteurs dont les droits n’ont pas encore été liquidés sont inévitablement floués au moment de l’effondrement de la pyramide d’engagements de plus en plus volumineux.

Pour ne pas être un tel système, le fonds de placement doit disposer d’un moyen de s’alimenter avec d’autres sources de liquidités. Comme il ne crée pas de valeur par son fonctionnement, il lui faut placer lui-même une bonne partie de ses liquidités. Cela revient à dire qu’il doit trouver des emprunteurs pour les faire fructifier.

Les ressources dont il dispose à ce stade sont des capitaux en liquide provenant de ses épargnants primaires. Pour les placer judicieusement, un fonds de placement a accès à tout l’éventail des emprunteurs factuels, institutionnels ou autres. Pour tenir les engagements qu’il a pris, il peut choisir des débiteurs réputés sans risques donc qui n’offrent que des intérêts faibles. A l’opposé, il en de est beaucoup plus risqués mais à même de fournir des rendements élevés. En fonction de sa politique plus ou moins aventureuse, il échange ses liquidités contre des créances sous une forme ou une autre (actions, obligations, prises de participations, produits dérivés, etc.). Pour mieux assurer ses arrières, il transfère généralement les créances de ses souscripteurs vers d’autres détenteurs de liquidités, en bouquets sous un emballage de produits dérivés, par l’entremise d’autres intermédiaires financiers. Ainsi les risques pris par ses propres épargnants primaires sont reportés en cas de pépin sur d’autres épargnants primaires et ses clients ne sont pas les seuls exposés à ses prises de risques.

Les gestionnaires de fonds de placement peuvent ainsi se rémunérer confortablement tout en restant dans la légalité, donc sans les risques. Pour citer deux personnages emblématiques, Soros n’est pas Madoff. Les pyramides d’actifs financiers s’enchevêtrent pour consolider les intérêts de leurs gestionnaires.

 

Toutes ces opérations de placement et les revenus de leurs gestionnaires nécessitent des mouvements de liquidités de plus en plus importants au fur et à mesure que les pyramides s’élèvent, pointe en bas. Au départ, ils proviennent de l’épargne. Or celle-ci est extraite des flux irrigant l’économie réelle, celle des activités de productions et de consommation, et cette économie fondamentale ne crée pas de liquidités. Elle a même elle aussi des besoins grandissants en raison de la complexification des besoins réels et de leur volume en croissance naturelle. Si les placements de l’épargne sont trop importants, les investissements productifs disparaissent et la récession s’installe.

 

Heureusement pour l’investissement spéculatif, pour alimenter tous ces placements, il existe une vache à lait inépuisable, les banques centrales qui produisent par le crédit des liquidités pour les organismes bancaires, charge à eux de les diriger vers les crédits à la consommation et à l’investissement productif. Les gouvernements, gros promoteurs de crédits, se dévouent pour la faire secréter à la demande.

 

Les banques centrales ouvrent donc des lignes de crédit pour les organismes financiers, afin qu’ils alimentent consommation et investissements productifs. Elles acceptent en garantie des créances sur des débiteurs décrétés fiables en fonction de critères administratifs (en particulier des « too big to fail » et les fonds de placement). En échange, elles acceptent des taux d’intérêt très faibles et même parfois nuls. Ces créances sont donc en fait garanties par des crédits à la consommation, reposant sur la capacité de remboursement d’ « emprunteurs primaires », et par les placements des « épargnants primaires ». Globalement, tous les risques sont donc portés par les épaules des « primaires de l’économie réelle », trop primaires pour s’en inquiéter, et par les contribuables des Etats endettés (la Grèce est exemplaire).

Les gestionnaires financiers ne risquent rien. Ils sont prospères, et en cas de crise de leur fait, s’ils sont trop gourmands, d’autres devront payer.

 

Disposant ainsi de liquidités, les banques vont les prêter. A qui de préférence ? aux riches évidement, c’est plus sûr. Il faut que ces liquidités reviennent de manière assurée sous forme de placements d’épargne pour alimenter toutes les pyramides d’actifs qui poussent dans les champs de la culture financière.

Pour la consommation, elles prêtent aux particuliers et organismes qui ont des revenus suffisants et suffisamment solides pour ne pas risquer le défaut, et donc qui disposent déjà au départ d’une potentialité de placements petits ou grands. En parallèle, elles s’emploient à les allécher avec des annonces de placements attractifs afin de re-pomper leur épargne. Elles rémunèrent leurs trésoreries d’un côté et leur offre des crédits en même temps ! Elles prêtent aussi aux gouvernements et collectivités publiques qui peuvent taxer à volonté leurs ressortissants pour rembourser.

Pour des investissements réputés productifs, tout au moins c’est ce que prétendent leurs initiateurs, elles prêtent à des sociétés importantes, prospères, qui présentent des bilans et des perspectives intéressantes, même si leurs réserves de trésoreries sont consacrées à des placements financiers et à des distributions de dividendes ou autres intéressements afin de valoriser leur valeur boursière et attirer les placements spéculatifs, au lieu de faire de l’auto-investissement. Les PME qui ne disposent que de savoir-faire sont proprement rebutées : les risques inhérents à des investissements productifs qui ne pourront être rentabilisés qu’au bout de plusieurs années (au mieux) sont en effet repoussants pour ceux qui ont inventé le trading à haute fréquence. Les retours sur un investissement productif doivent en effet attendre que de nouveaux équipements aient atteint leur régime de production.

 

Avec pour objectif prétendu de développer l’économie réelle, le système financier basé sur les activités de placement utilise donc une deuxième détente pour son  approvisionnement en liquidités. A côté de l’extraction en premier niveau de l’épargne naturelle qui se crée, nécessaire pour faire face aux à-coups de trésorerie en production et en consommation, elle récupère en grande partie celles qui proviennent des créations monétaires par les banques centrales. Tant pis si l’économie réelle végète ou s’étiole par manque d’investissement productif.  

Tout cela sert à accumuler des pyramides instables d’actifs artificiels complètement disproportionnées par rapport aux richesses réelles de l’économie réelle. La question a déjà été abordée ici dans : La-pyramide-inversee

 

Le système financier est-il dans sa globalité un système de Ponzi puisque tout ce fonctionnement est nécessité par l’obligation de faire croître de manière exponentielle une pyramide globale d’actifs financiers qui s’effondrerait si cette dynamique d’absorption  des liquidités venait à faiblir ? A chacun son opinion. Toujours est-il que c’est légal et que les pouvoirs publics s’emploient à jouer les faciliteurs.

Plutôt que de béer devant le CAC 40, ne serait-il pas plus judicieux de prôner l’auto-investissement, le crédit coopératif ou le « business angélisme » ?

 

… à plus …

5 juillet 2015 7 05 /07 /juillet /2015 15:41
Vive la Liberté grâce à l’Interdiction !

Un paradoxe de plus à épingler au tableau …

 

L’être humain a soif de Liberté. Mettez-vous un peu à sa place.

 

Il met en selle des dirigeants avec pour consigne implicite de ne pas le restreindre exagérément dans ses possibilités d’action, de ne pas porter atteinte à sa liberté d’être et d’agir à sa convenance. Il leur accorde le droit de réglementer pour optimiser les libertés d’action des uns et (surtout) des autres, pour maximiser les intérêts collectifs tels qu’il les conçoit. Il s’agit là essentiellement d’assurer le bon niveau du bien-être qu’il ressent au sein de la collectivité à l’intérieur de laquelle il évolue.

 

En l’absence de dirigeants et de réglementation convenable, en effet, il constate très vite, expérimentalement sauf pour de très, très rares individus, que sa vie tend à devenir un enfer. Elle se révèle alors pour lui comme un monde de violences physiques et psychologiques, sous l’effet des conséquences opérationnelles des confrontations d’intérêts particuliers portés par la liberté « d’autres », et surtout certains autres. En l’absence donc de réglementation adaptée et respectée, ces confrontations se soldent par des luttes de pouvoirs où toute la collectivité est finalement perdante, à court, moyen ou plus long terme.

Si vous cherchez des exemples de situations extrêmes où l’absence de dirigeants  choisis collectivement, et de règles convenables aboutit à des désastres abominables pour presque tout le monde, vous n’aurez guère de peine à en trouver.

 

Mais la situation diamétralement opposée n’est pas forcément porteuse de bonheur euphorique. Ce constat peut déjà être perçu comme paradoxal mais ce n’est qu’un aspect partiel.

 

 

Evidemment, les plus ou moins grandes déceptions qui suivent leur intronisation résultent de l’action des dirigeants en place. De fait, ils tiennent toutes les ficelles agissant sur les causes et ils sont sensés les actionner pour tirer le meilleur parti des situations dont ils héritent afin d’en optimiser les effets consécutifs.

Avec toute l’ingénuité qui anime tout être humain, à commencer par eux, ils croient fermement à toutes sortes de théories dont ils font un bouquet qu’ils considèrent comme un summum de toute l’intelligence du moment. Parmi toutes ces théories, il en est une qu’ils adoptent tous, de gauche comme de droite, c’est celle qui revient à penser que, puisqu’ils sont dirigeants choisis, ils sont plus intelligents que n’importe qui, vous et moi compris.

 

Manque de chances, l’univers est infiniment complexe, jusque dans ses moindres détails. Les dirigeants, même doués, même entourés d’assistants qui partagent avec eux les mêmes déficiences cognitives (ce qui en fait des appuis dociles), sont très malhabiles dans leurs activations des ficelles manœuvrières des situations. Les résultats sont rarement à la hauteur des espoirs des uns ou des autres et les situations se trouvent après coup farcies d’effets imprévus qui compliquent encore plus les problèmes à traiter.

 

Pour réglementer, deux voies sont possibles. L’interdiction et l’obligation, interdire certaines actions ou imposer des actions et des façons de faire.

 

L’interdiction est une atteinte frontale à la « Liberté ». Il est interdit d’interdire pensent encore certains neuneus qui croient que l’esprit humain dans ses actions collectives est infaillible, et que l’intelligence individuelle est parfaitement armée pour définir ce qui est judicieux pour chacun, donc judicieux pour tous. Cela ne les empêche d’ailleurs pas de s’indigner s’ils se font marcher sur les pieds par des pervers qui n’ont pas compris qu’il est « interdit » de marcher sur les pieds des autres, même pour ne pas salir ses propres escarpins.

 

« L’obligation » est un réflexe plus naturel pour les dirigeants. Comme ils sont, c’est du moins ce qu’ils pensent, suprêmement intelligents et bien informés, ils sont mieux que quiconque à même de définir la voie à prendre et la manière détaillée de la parcourir pour arriver à des objectifs collectifs et individuels parfaitement judicieux.

Plus les réglementations s’accumulent sur les chemins, plus il devient difficile de s’y retrouver dans leurs attendus, et plus les avancées sont laborieuses et les résultats décevants, que ce soit pour les mandataires ou pour les mandants de la gouvernance politique.

C’est le cas en particulier en France où l’interdiction d’interdire a été adoptée tacitement par la pensée unique et le politiquement correct depuis 1968. Les lois, règlements d’application, normes et codes à portée générale représentent des centaines de milliers de lignes d’articles, dont de nombreuses sont parfaitement inutiles, périmés, contradictoires ou à domaine concerné microscopique (pour tout dire, je ne les ai pas comptées et je me fie aux observations des spécialistes).

 

Dans notre monde en mutation accélérée grâce à ce que certains appellent le « progrès » quand ils y trouvent leur compte, les dirigeants sont toujours en retard sur les réalités.

 

Parmi les principes incontournables d’une bonne gouvernance, se trouve le principe de subsidiarité. Il consiste à placer les décisions au niveau où se trouvent à la fois la meilleure connaissance des situations et la maîtrise des moyens d’action concrets. C’est la décentralisation intelligente. Elle est évidemment en contradiction avec le jacobinisme qui prévaut dans ceux qui se prétendent, à tort ou  à raison, les dignes héritiers des découvertes révolutionnaires de 1789, y compris évidemment la Terreur et l’installation des prémisses pour un Empire autocratique.

 

Toujours est-il que la survie dans un univers chaotique passe par la mise en œuvre d’émergences, de solutions nouvelles à des problèmes nouveau, donc passe par la créativité et l’esprit d’entreprise des acteurs de terrain.

Imaginer que la créativité et l’esprit d’entreprise puisse se générer par des décisions obligatoires prises par des oligarques loin du terrain, de ses réalités et de ses turbulences internes, est tout bonnement délirant.

Accepteriez vous de voyager dans un « drone de ligne », un aéronef véhiculant des centaines de passagers sur des milliers de kilomètres, vers une destination aléatoire, et piloté à distance depuis une tour de contrôle, si perfectionnée soit-elle, par un opérateur en perpétuelle bisbille avec ses colocataires d’ « en haut », pour avoir le pouvoir le plus gratifiant ?

Le monde de plus en plus réglementé concocté par nos dirigeants politiques se dirige droit sur le mur en accélérant. Et nous avons de moins en moins la « Liberté ». La liberté de penser est enfermée dans le politiquement correct et la liberté d’agir est continuellement  contrainte par des obligations.

 

 

La solution, et c’est là que se trouve le paradoxe, serait pour les dirigeants de miser sur l’ « Interdiction ».

 

Mode d’emploi :

1 – Identifier le corpus de valeurs autour duquel la collectivité peut se rassembler.

2 – Cautionner ce choix par voie réellement démocratique, après des débats fouillés et libres permettant à chacun de bien percevoir les contraintes et les atouts attachés à chacune de ces valeurs.

3 – Mettre en place un système réglementaire d’interdictions, le plus léger possible, pour garantir le respect de ces valeurs.

4 – Contrôler en permanence ce système par des constats de terrain pour en détailler les failles et les excès afin de le corriger et de l’adapter aux contingences.

5 – Placer ces évolutions et leurs attendus sous contrôle démocratique.

6 – De temps en temps, s’assurer que le corpus de valeurs est toujours valable.

7 – Pour les dirigeants, être exemplaires quant au respect des valeurs en question et des interdictions qui y sont rattachées. L’être humain fonctionne à 90% avec des réflexes mimétiques et le seul vrai moyen pour convaincre est l’exemple.

 

Mon impression personnelle est que c’est le point numéro 7 ci-dessus qui pose le plus de problèmes aux dirigeants, ce qui leur fait préférer les obligations aux interdictions. Il est en effet plus facile de trouver des prétextes pour échapper aux premières, par exemple avec un statut bien bétonné concocté en catimini entre dirigeants, alors qu’il est bien difficile de se soustraire aux secondes, cautionnées démocratiquement, quand on se hisse professionnellement sur un piédestal.

 

 

… à plus …

 

JORF n°171 du 25 juillet 2004 page 13328 
texte n° 3 


ARRETE 
Arrêté du 1er juillet 2004 fixant les règles techniques et de sécurité applicables au stockage de produits pétroliers dans les lieux non visés par la législation des installations classées ni la réglementation des établissements recevant du public 

NOR: INDI0403209A
ELI: http://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2004/7/1/INDI0403209A/jo/texte


Le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale et le ministre délégué à l'industrie,
Vu la directive n° 89/106/CEE du Conseil des Communautés européennes du 21 décembre 1988 modifiée relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres concernant les produits de construction ;
Vu la directive n° 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques ;
Vu le décret n° 62-1297 du 7 novembre 1962 modifié portant règlement d'application publique en ce qui concerne les règles d'utilisation et les caractéristiques des produits pétroliers ;
Vu le décret n° 92-647 du 8 juillet 1992 modifié concernant l'aptitude à l'usage des produits de construction ;
Vu l'arrêté du 29 août 1967 modifié relatif aux caractéristiques du fioul domestique ;
Vu l'arrêté du 21 mars 1968 modifié fixant les règles techniques et de sécurité applicables au stockage et à l'utilisation de produits pétroliers dans les lieux non visés par la législation des installations classées et la réglementation des établissements recevant du public ;
Vu l'arrêté du 8 janvier 1998 modifié relatif aux caractéristiques du combustible liquide pour appareil mobile de chauffage ;
Vu l'arrêté du 23 décembre 1999 modifié relatif aux caractéristiques du gazole et du gazole grand froid ;
Vu l'arrêté du 25 avril 2000 relatif aux caractéristiques des fiouls lourds ;
Vu l'avis du comité technique de l'utilisation des produits pétroliers en date du 26 novembre 2003,
Arrêtent :

  • TITRE Ier : DISPOSITIONS GÉNÉRALES


    Le présent arrêté a pour objet de fixer les prescriptions minimales qui doivent être respectées pour la construction, l'installation, la mise en service, l'entretien, l'approvisionnement et l'abandon des stockages de produits pétroliers, dans le but de préserver la sécurité des personnes et des biens, et de protéger l'environnement.


    Sont visés par le présent arrêté les réservoirs implantés dans des lieux non visés par la réglementation des installations classés pour la protection de l'environnement (ICPE) ni par celle des établissements recevant du public (ERP) et ne contenant que les produits pétroliers cités ci-après dont les caractéristiques sont définies dans les arrêtés susvisés :
    - le gazole ;
    - le fioul domestique ;
    - les fiouls lourds ;
    - le combustible liquide pour appareil mobile de chauffage.
    Les présentes règles dépendent du lieu de stockage (non enterré en plein air, non enterré dans un bâtiment ou enterré) et de la capacité globale de stockage.
    Le présent arrêté s'applique aux installations de stockage en vue d'une utilisation finale des produits pétroliers, à l'exclusion de celles conçues pour la vente ou la revente des produits stockés.
    Seuls les réservoirs et récipients devant contenir des produits pétroliers avec une pression de gaz au-dessus du liquide ne dépassant pas 0,5 bar sont concernés par le présent arrêté.
    Les dispositions du présent arrêté sont applicables aux installations nouvelles mises en service à compter de la date d'application du présent arrêté.
    Elles sont applicables aux installations existantes dans les conditions fixées à l'article 31 du présent arrêté.


    Au sens du présent arrêté, on entend par : 
    - « produits pétroliers » : les produits cités à l'article 2 ci-dessus ;
    - « stockage » : un ensemble de réservoirs manufacturés installés dans un même local ou espace clôturé ;
    - « norme française » : document à caractère normatif qui fournit des spécifications techniques, et homologué par décision du directeur général de l'AFNOR ;
    - « norme expérimentale » : document technique qui fournit des spécifications techniques, et publié par l'AFNOR ;
    - « norme européenne » : norme française d'origine européenne qui reproduit un document à caractère normatif qui fournit des spécifications techniques, et adopté par le Comité européen de normalisation (CEN) ;
    - « norme harmonisée » : norme européenne (ou partie de cette norme identifiée comme telle par l'annexe ZA de cette norme) élaborée sous mandat par le CEN pour répondre aux besoins de la directive produits de construction (89/106/CEE). Sa référence est publiée au Journal officiel de la République française. Le marquage « CE » est exigé et apposé sur le produit répondant à la norme harmonisée ;
    - « installation » : un ensemble d'équipements comprenant des éléments de stockage (réservoirs, capacités de rétention et autres accessoires), des canalisations permettant le remplissage des réservoirs depuis une source externe, ainsi qu'un ensemble de conduits (évents...) ;
    - « local (ou bâtiment) exclusif » : un local (ou bâtiment) dont l'usage est exclusivement réservé à l'équipement considéré (stockage) ;
    - « local en sous-sol » : un local dont la cote de son plancher haut ne dépasse pas de plus de 1 mètre la cote du point le plus bas du sol à l'extérieur du bâtiment et au plus proche du local ;
    - « local à rez-de-chaussée » : un local dont la cote de son plancher haut ne dépasse pas de plus de 4 mètres la cote du point le plus bas du sol à l'extérieur du bâtiment et au plus proche du local ;
    - « local en étage » : un local situé entre le rez-de-chaussée et la toiture ou la terrasse ;
    - « coupe-feu » : concerne les matériaux pour lesquels sont requis les critères de résistance mécanique, d'étanchéité aux flammes et aux gaz chauds ou inflammables, d'absence d'émission de gaz inflammable et d'isolation thermique (température moyenne de la face non exposée, température comprise entre 140 et 180 °C). Le degré coupe-feu est exprimé en fonction du temps pendant lequel le matériau conserve ses caractéristiques ;
    - « pare-flammes » : concerne les matériaux pour lesquels sont requis les critères de résistance mécanique, d'étanchéité aux flammes et aux gaz chauds ou inflammables, d'absence d'émission de gaz inflammable. Le degré pare-flammes est exprimé en fonction du temps pendant lequel le matériau conserve ses caractéristiques.


    Tout réservoir, raccord ou tout autre équipement cité au présent arrêté doit être conçu et fabriqué conformément à une norme française ou à toute autre norme ou spécification technique d'un Etat membre de l'Union européenne ou de la Turquie, ou d'un autre Etat de l'Association économique de libre-échange (AELE), partie contractante de l'Accord sur l'Espace économique européen (EEE) assurant un niveau de sécurité et de protection de l'environnement équivalent.
    Toutefois, le ministre chargé de l'industrie peut refuser sa mise sur le marché ou le faire retirer du marché si celui-ci n'assure pas un niveau de protection équivalent à celui recherché par le présent arrêté. Dans ce cas, il indique au fabricant ou au distributeur quelles dispositions du présent arrêté empêchent sa commercialisation et pour quelles raisons impératives d'intérêt général ces dispositions s'imposent au produit concerné, et pour quelles raisons des mesures moins entravantes ne sauraient être acceptées. Le fabricant ou le distributeur dispose alors d'un délai de vingt jours ouvrables pour formuler ses observations éventuelles avant qu'une mesure ne soit prise à son encontre. Au final, le ministre chargé de l'industrie notifie la mesure individuelle portant restriction à la commercialisation du produit en indiquant les voies de recours possibles.

  • TITRE II : RÈGLES DE CONSTRUCTION DES STOCKAGES


    5.1. Exigences normatives.
    Les réservoirs cités ci-dessous, conçus et fabriqués conformément aux normes (ou projets de norme) suivantes en vigueur à la date de publication du présent arrêté, sont réputés satisfaire, pour les dispositions couvertes par ces normes, aux exigences du présent arrêté. Il s'agit :
    - des réservoirs de type ordinaire :
    - réservoirs en acier de type « léger » : la norme française NF M 88-940 ;
    - réservoirs en acier à simple paroi : la norme française NF M 88-512 ou la norme européenne NF EN 12285-2 lorsqu'elle aura été homologuée (celle-ci annule la norme NF M 88-512) ;
    - réservoirs en acier cylindriques verticaux construits sur site : le projet de norme européenne prNF EN 14015 ou la norme européenne NF EN 14015 lorsqu'elle aura été homologuée ;
    - réservoirs en acier parallélépipédiques : la norme française NF E 86-255 ;
    - réservoirs en matières plastiques à simple enveloppe : le projet de norme prNF EN 13341. La norme harmonisée NF EN 13341 sera d'application obligatoire dès sa parution ;
    - réservoirs en matières plastiques à enveloppe secondaire : le projet de norme prNF EN 13341 pour le réservoir intérieur. La norme harmonisée NF EN 13341 sera d'application obligatoire dès sa parution ;
    - des réservoirs à sécurité renforcée :
    - réservoirs en acier à double paroi : la norme française NF M 88-513 (celle-ci sera annulée dès la parution de la norme européenne NF EN 12285-2) ou la norme européenne NF EN 12285-1 ;
    - réservoirs en acier à simple paroi à revêtement extérieur en béton : la norme française NF M 88-516 ;
    - réservoirs en acier à revêtement intérieur en plastiques renforcés : la norme française NF M 88-552 (pour les réservoirs neufs) ou la norme NF M 88-553 (pour les réservoirs en service) ;
    - réservoirs en acier à enveloppe intérieure en matière plastique : la norme française NF M 88-514 ;
    - réservoirs en plastiques renforcés de verre : la norme expérimentale XP M 88-554 conjointement utilisée avec les normes européennes NF EN 976-1 et NF EN 976-2. La conformité à ces normes doit être constatée :
    - soit par l'attribution au réservoir de la marque de conformité aux normes NF « Stockage pétrolier - Réservoirs en matières plastiques », en application de l'arrêté ministériel du 15 avril 1942 portant statut de la marque nationale de conformité aux normes ;
    - soit par la délivrance d'un certificat de conformité par le comité particulier de la marque NF « Stockage pétrolier - Réservoirs en matières plastiques », après des essais techniques effectués sous l'égide de celui-ci suivant les procédures techniques instituées en application de l'arrêté du 15 avril 1942 pour déterminer l'aptitude au port de l'estampille NF « Stockage pétrolier - Réservoirs en matières plastiques ».
    5.2. Dispositions complémentaires.
    Les règles ci-après complètent les exigences citées au 5.1 ci-dessus :
    Il ne doit exister aucun point de soutirage en partie basse d'un récipient ou d'un réservoir.
    Le réservoir doit être équipé d'un dispositif de jaugeage permettant de se rendre compte de la quantité de liquide restant dans le réservoir. Les tubes de niveau en verre ou en matière plastique sont interdits. Tout orifice permettant le jaugeage direct doit être fermé, en dehors des opérations de jaugeage, par un obturateur étanche.
    Tout réservoir équipé d'un raccord de remplissage tel que défini à l'article 9 ci-après doit être muni d'un dispositif permettant de prévenir le risque de débordement lors des opérations de remplissage.
    Le système de réchauffage du produit dans le réservoir, lorsqu'il existe, doit être maintenu constamment immergé. Lorsqu'elle est susceptible d'émerger, la paroi extérieure de toute partie d'un réchauffeur utilisant un fluide chauffant ne peut être portée à une température supérieure à 200 °C. Les câbles électriques pénétrant dans un réservoir pour alimenter un appareil immergé (pompe, réchauffeur) doivent être disposés dans un conduit étanche qui peut être constitué par une gaine souple. Il est interdit d'équiper des réservoirs non métalliques de dispositifs de réchauffage.
    Le matériel électrique placé à l'intérieur d'un réservoir doit être de sûreté.


    Les récipients fermés transportables sont constitués par des bidons ou des fûts d'une contenance au plus égale à 200 litres.
    Les récipients fermés transportables doivent être conçus et fabriqués pour contenir et transporter des produits pétroliers. Ils doivent satisfaire aux prescriptions du règlement sur le transport des marchandises dangereuses par route. Ceux d'une contenance utile de 50 litres ou plus doivent être métalliques. Ces récipients sont munis, quelle que soit leur contenance, de dispositifs permettant leur manipulation.


    Des réservoirs de même nature, s'ils sont de même capacité et de même hauteur, peuvent être mis en batterie en vue de constituer un stockage d'une capacité globale au plus égale à 10 000 litres. Leur interconnexion doit être réalisée à leur partie supérieure. Ils doivent être installés au même niveau. Toutes les parties métalliques du stockage et de ses accessoires (canalisations, robinets, etc.) susceptibles d'être au contact avec des hydrocarbures doivent être reliés électriquement entre elles, au moyen d'une liaison équipotentielle.

  • TITRE III : LES CANALISATIONS


    Toutes les canalisations doivent être construites dans un matériau résistant aux hydrocarbures et donnant toutes garanties de résistance aux actions mécaniques, physiques, chimiques ou électrolytiques. De plus, les canalisations si elles sont en matière plastique doivent être établies à l'abri des chocs.
    Aucune canalisation ne doit être connectée en partie basse d'un réservoir.
    Au passage des tuyauteries à travers les murs et les planchers, il ne doit subsister aucun espace vide. Le dispositif d'obturation doit permettre la libre dilatation des tuyauteries.
    En cas de croisement souterrain avec une canalisation d'eau potable, la canalisation de produits pétroliers doit être à une cote inférieure.
    Entre la surface extérieure d'une canalisation de produits pétroliers ou de sa gaine si elle existe et celles de canalisations autres, les distances minimales suivantes doivent être respectées :
    0,03 mètre lorsque les canalisations ne sont pas enterrées ;
    0,20 mètre lorsqu'elles sont enterrées ; cette distance est comptée en projection verticale sur un plan horizontal, sauf aux croisements.
    Lorsqu'elles sont en matière plastique, les canalisations en charge reliant les réservoirs au point d'utilisation ou de remplissage doivent être enterrées ou être insérées dans une gaine coupe-feu de degré deux heures.
    L'ensemble de ces dispositions n'est pas opposable aux prescriptions pouvant exister concernant les canalisations autres.


    L'orifice de la canalisation de remplissage doit être fermé, en dehors des opérations d'approvisionnement, par un obturateur étanche. Il doit être équipé d'un raccord fixe normalisé permettant un branchement en toute sécurité et garantissant la protection de l'environnement. La norme française NF E 29-572 répond notamment à cette exigence. Toutefois, l'usage d'un tel raccord n'est pas obligatoire lorsque le fexible du véhicule ravitailleur est muni d'un dispositif d'extrémité ne pouvant débiter que sur intervention manuelle permanente.
    Toutes dispositions doivent être prises pour qu'aucun épandage de produits pétroliers à l'intérieur d'un local ne soit possible à partir de la bouche de remplissage.
    Une vanne doit empêcher le refoulement éventuel lorsque l'orifice de la canalisation est placé en contrebas du sommet du réservoir ou du point haut de la canalisation ; elle doit être placée près de l'orifice de remplissage. D'autres dispositifs peuvent être utilisés à condition de garantir une sécurité équivalente.
    Le diamètre intérieur de la canalisation de remplissage doit être au moins égal à 80 millimètres lorsque le volume desservi est égal ou supérieur à 10 mètres cubes. Dans les autres cas, il ne peut être inférieur à 50 millimètres.
    La canalisation de remplissage peut desservir plusieurs réservoirs s'ils ont la même capacité, le même niveau supérieur et s'ils sont destinés à contenir le même produit pétrolier.
    Une plaque indiquant de manière indélébile la désignation du produit entreposé et la contenance globale du ou des réservoirs desservis doit être fixée à proximité de l'orifice de remplissage.
    La canalisation de remplissage d'un stockage situé dans un local exclusif ne doit pas traverser le local où sont implantés les appareils d'utilisation excepté si elle est insérée dans une gaine coupe-feu de degré deux heures.


    Tout réservoir muni d'une canalisation de remplissage doit être équipé d'un tube d'évent fixe, ne comportant ni vanne ni obturateur, d'un diamètre au moins égal à la moitié de celui de la canalisation de remplissage. Ce tube, fixé à la partie supérieure du réservoir et au-dessus du niveau maximal du liquide emmagasiné, doit avoir une direction ascendante avec un minimum de coudes.
    Lorsque le réservoir est enterré ou situé à l'intérieur d'un bâtiment, l'orifice doit déboucher à l'extérieur au-dessus du niveau du sol environnant. L'extrémité du tube d'évent doit être protégée contre la pluie et les éventuelles entrées d'eau de ruissellement.
    Par ailleurs, l'extrémité du tube d'évent d'un réservoir enterré ne doit pas être située à plus de 20 mètres au-dessus du fond du réservoir.
    Un réservoir non équipé d'évent doit être muni d'un dispositif permettant le maintien permanent de la pression atmosphérique à l'intérieur du réservoir.

  • TITRE IV : STOCKAGE NON ENTERRÉ EN PLEIN AIR


    Les réservoirs installés en plein air doivent être conçus pour stocker des produits pétroliers en extérieur.
    Notamment l'opacité du réservoir doit être suffisante pour empêcher l'altération des caractéristiques du produit pétrolier stocké.


    Afin de diminuer au maximum les risques de déplacement du réservoir sous l'effet du vent, des eaux ou des trépidations, celui-ci doit être fixé solidement sur un sol plan maçonné.
    Toutes les parties métalliques (réservoirs, canalisations et autres accessoires) doivent être reliées à la terre par une liaison équipotentielle.
    Les récipients ou réservoirs doivent être équipés d'une deuxième enveloppe étanche et être conçus de telle sorte qu'il soit possible de se rendre compte de toute perte d'étanchéité de l'enveloppe intérieure.
    A défaut d'une deuxième enveloppe, ils doivent être placés dans une cuvette de rétention étanche dont la capacité doit être au moins égale à la plus grande des valeurs suivantes :
    100 % de la capacité du plus grand réservoir ;
    50 % de la capacité globale des réservoirs et récipients.


    Suivant la capacité globale du stockage, une distance minimale doit être respectée entre la paroi du réservoir et le bâtiment le plus proche :
    - moins de 2 500 litres : aucune distance n'est imposée ;
    - entre 2 501 et 6 000 litres : 1 mètre ;
    - entre 6 001 et 10 000 litres : 6 mètres ;
    - entre 10 001 et 50 000 litres : 7 mètres ;
    - plus de 50 000 litres : 10 mètres.
    Lorsque le stockage dépasse 15 000 litres de capacité globale, la distance entre deux réservoirs est de 0,2 L (L : largeur maximale du plus grand réservoir) avec un minimum de 1,50 mètre.


    Quelle que soit la capacité du stockage, il est interdit de faire du feu ou d'entreposer des matières combustibles autres que les produits pétroliers stockés :
    - dans tous les cas, à moins de 1 mètre de l'enveloppe secondaire du réservoir ou à défaut de la cuvette de rétention ;
    - dans l'enceinte d'un stockage clôturé.
    Lorsque le stockage dépasse 15 000 litres, il doit être entouré d'une clôture de 1,75 mètre de hauteur au moins.


    Aucune canalisation d'alimentation en eau, d'évacuation d'eaux usées, de gaz ou d'électricité ne doit passer ni sous les récipients transportables et sous les réservoirs, ni dans les cuvettes de rétention.
    Seules sont admises les dérivations indispensables, soit à l'éclairage, soit au fonctionnement des appareils nécessaires à l'exploitation du stockage.

  • TITRE V : STOCKAGE À REZ-DE-CHAUSSÉE OU EN SOUS-SOL D'UN BÂTIMENT


    16.1. Installation.
    Les réservoirs doivent être posés sur un sol plan maçonné.
    Ils doivent être fixés solidement sur celui-ci s'ils sont installés en zone inondable ou en zone de sismicité II ou III au sens du décret n° 91-461 du 14 mai 1991 modifié relatif à la prévention du risque sismique.
    Les récipients ou réservoirs doivent être équipés d'une enveloppe secondaire étanche, résistante au feu et conçus de telle sorte qu'il soit possible de se rendre compte de toute perte d'étanchéité de l'enveloppe intérieure. La résistance au feu de l'enveloppe secondaire doit être éprouvée dans des conditions normatives ou à défaut suivant un cahier des charges approuvé par le ministre chargé de l'industrie.
    A défaut d'une enveloppe secondaire, ils doivent être placés dans une cuvette de rétention étanche et incombustible, dont la capacité est au moins égale à celle du stockage.
    Ils ne doivent ni gêner le passage ni commander l'accès d'un autre local.
    Sous un stockage fixe, il ne doit exister aucun espace vide autre que le vide sanitaire.
    Le local contenant le stockage doit être convenablement ventilé.
    Toutes dispositions doivent être prises pour qu'à l'intérieur du local où est installé le stockage et servant aussi de garage, les réservoirs soient protégés contre tout choc éventuel.
    Au passage des tuyauteries à travers les murs et planchers du local contenant le stockage, il ne doit y avoir aucun espace vide entre les parois (murs et planchers) et les tuyauteries. Le dispositif d'obturation doit permettre la libre dilatation des tuyauteries.
    Lorsque le stockage est réalisé en récipients fermés transportables, la capacité de chaque récipient est limitée à 50 litres. Toutefois, lorsque ce stockage est implanté au rez-de-chaussée, cette capacité peut être portée à 200 litres.
    16.2. Electricité.
    L'installation électrique du local est réalisée avec du matériel normalisé qui peut être de type ordinaire. Le matériel électrique amovible ne peut être alimenté qu'à partir d'installations à très basse tension de sécurité.
    16.3. Protection incendie.
    Les présentes dispositions et celles des articles 17 et 18 ci-après ne se substituent pas aux diverses réglementations en vigueur en matière de protection incendie. Elles complètent ces dernières ou viennent en aggravation si besoin.
    Le local où est installé le stockage doit pouvoir être fermé par une porte d'une résistance au feu : pare-flammes de degré au moins un quart d'heure. Les murs ainsi que les planchers haut et bas du local doivent avoir une résistance au feu : coupe-feu de degré au moins une demi-heure.
    16.4. Autres canalisations, conduits et câbles électriques.
    Des canalisations d'alimentation en eau, en gaz ou en électricité autres que celles indispensables au fonctionnement des appareils nécessaires à l'exploitation du stockage peuvent exister dans le local affecté au stockage sous réserve que leur projection verticale ne traverse pas le plan de débordement de la cuvette.
    Les conduits de fumée construits en gaine et les carneaux peuvent traverser le local de stockage sans s'approcher à moins d'un mètre des réservoirs.


    S'il est en deuxième sous-sol ou à un niveau inférieur, le local doit comporter un orifice débouchant à l'extérieur du bâtiment en un point accessible au matériel d'aspiration. S'il est muni d'un demi-raccord, celui-ci doit être normalisé permettant ainsi l'intervention des services de la sécurité civile. La norme française NF S 61-707 répond notamment à cette exigence. S'il n'est pas muni d'un demi-raccord, l'orifice doit avoir au moins 0,40 mètre de côté ou de diamètre. Si la liaison entre l'orifice extérieur et le local s'effectue par conduit, celui-ci doit avoir une résistance au feu : coupe-feu de degré une demi-heure, une résistance aux chocs suffisante et une section au moins égale à celle de l'orifice. L'orifice extérieur peut être fermé à l'aide d'un dispositif démontable sans outillage. Il doit être signalé par une plaque portant la mention « gaine-pompier, stockage ». Le conduit peut être constitué par l'une des gaines de ventilation normales du local ou par un soupirail, sous réserve que ces aménagements aient les dimensions définies ci-dessus.


    Le stockage doit être installé dans un local exclusif si sa capacité globale dépasse 2 500 litres.
    Les murs et les planchers haut et bas du local doivent avoir une résistance au feu : coupe-feu de degré deux heures. La porte du local doit avoir une résistance au feu pare-flamme de degré une heure, comporter un seuil si le local fait lui-même office de cuvette de rétention, s'ouvrir vers l'extérieur du local et être munie d'un système de fermeture automatique et d'un dispositif permettant dans tous les cas son ouverture de l'intérieur.
    Dans un bâtiment à usage exclusivement réservé au stockage, le plancher haut requis ci-dessus n'est pas exigé.
    Tout générateur à feu nu ou appareil comportant des éléments incandescents non enfermés est interdit.
    Il est interdit de faire du feu dans le local ou d'y entreposer des matières combustibles autres que les produits pétroliers visés à l'article 2, constituant le stockage.
    La ventilation doit être assurée par un ou plusieurs orifices d'une section d'au moins 1 décimètre carré permettant l'arrivée d'air frais. Si cette ventilation est assurée à l'aide d'une gaine, celle-ci doit être incombustible et d'une résistance aux chocs suffisante.
    Aucun conduit de fumée construit en gaine ni aucun carneau ne peut traverser le local de stockage.
    Le couloir d'accès au local doit être isolé des dégagements du bâtiment par une porte résistant au feu pare-flammes de degré une demi-heure, munie d'un système de fermeture automatique. En outre, il doit être prévu en amont de cette porte d'isolement côté stockage un dispositif d'évacuation des gaz chauds et des fumées débouchant à l'air libre, à l'extérieur de l'immeuble, d'une section de 4 décimètres carrés au moins.

  • TITRE VI : STOCKAGE ENTERRÉ


    Seuls les réservoirs de type ordinaire en fosse et les réservoirs à sécurité renforcée cités à l'article 5 du présent arrêté sont autorisés à être enterrés.
    Tout document (facture, bon de livraison, documents techniques et publicitaires) concernant les réservoirs non autorisés devra porter la mention « réservoir non destiné à être enterré ».


    Le stockage est constitué par un réservoir de type ordinaire placé dans une fosse.
    La fosse peut être placée :
    - soit à l'extérieur d'un bâtiment, enterrée ou au niveau du sol ;
    - soit à l'intérieur d'un bâtiment :
    - enterrée au niveau le plus profond ;
    - ou au rez-de-chaussée ou en sous-sol, sous réserve que le bâtiment ne comporte aucun espace vide sous la fosse autre qu'un vide sanitaire.
    La fosse doit être étanche de manière à pouvoir recueillir les fuites éventuelles du réservoir. A cet effet, un enduit étanche aux produits pétroliers et à l'eau est appliqué intérieurement et doit former une cuvette de retenue d'une capacité au moins égale à celle du réservoir. Tout autre procédé offrant des garanties d'étanchéité équivalentes est admis.
    Les murs de la fosse sont construits en maçonnerie d'au moins 0,20 mètre d'épaisseur. Toute autre solution offrant une résistance équivalente est admise.
    La fosse n'est pas remblayée, ce qui permet de vérifier facilement l'absence de fuite.
    Elle doit comporter un regard permettant de contrôler le point bas du radier et être couverte par une dalle incombustible, les ouvertures (trous d'homme, passages des tuyauteries diverses) étant calfeutrées ou fermées par des tampons étanches incombustibles. La dalle et les parois doivent résister aux charges qu'elles sont appelées à supporter.
    La génératrice inférieure des réservoirs doit être surélevée de 0,10 mètre au moins au-dessus du radier. Un intervalle d'au moins 0,20 mètre doit exister entre les murs de la fosse et les réservoirs ainsi qu'entre deux réservoirs.
    Aucune canalisation d'alimentation en eau et d'évacuation d'eaux usées, de gaz ou d'électricité, autres que celles indispensables au fonctionnement des appareils nécessaires à l'exploitation du stockage, ne doit passer dans ou sous la fosse.


    Les réservoirs à sécurité renforcée peuvent être enterrés :
    - soit à l'extérieur d'un bâtiment :
    - en sous-sol, la génératrice supérieure étant à 0,50 mètre au moins et à 1,50 mètre au plus au-dessous du niveau du sol environnant ;
    - ou au niveau du sol, les parois étant flanquées d'une couche de terre présentant une épaisseur minimale de 0,50 mètre et de 1,50 mètre au plus à la partie supérieure et de 1 mètre au plan diamétral horizontal ;
    - soit à l'intérieur d'un bâtiment au niveau le plus profond de celui-ci, la génératrice supérieure étant à 0,50 mètre au moins au-dessous du niveau du sol du dernier niveau.
    Une distance minimale de 0,50 mètre doit exister entre les parois des réservoirs et la limite de propriété, en projection horizontale.
    Un intervalle d'au moins 0,20 mètre doit exister entre les réservoirs.
    Les réservoirs doivent être suffisamment protégés (plancher ou dalle) afin de résister aux charges éventuelles (y compris un véhicule) susceptibles d'être posées (ou de circuler) au-dessus du stockage.
    Aucune canalisation d'alimentation en eau et d'évacuation d'eaux usées, de gaz ou d'électricité, autres que celles indispensables au fonctionnement des appareils nécessaires à l'exploitation du stockage, ne doit passer à moins de 0,50 mètre du réservoir en projection verticale.
    Les réservoirs, s'ils sont en acier, doivent être protégés et isolés électriquement de manière à éviter toute corrosion.
    Lors de la mise en place d'un réservoir enterré chez l'utilisateur, il appartient à l'installateur de s'assurer qu'aucune partie de la couche protectrice extérieure n'a été endommagée, à charge pour cette entreprise de remédier à tous défauts de protection.

  • TITRE VII : AUTRES INSTALLATIONS DE STOCKAGE


    Seuls sont autorisés les récipients fermés transportables d'une contenance unitaire n'excédant pas 50 litres et d'une capacité totale inférieure à 120 litres par étage, pour une même famille ou pour une même entreprise.
    Tout stockage de produit pétrolier est interdit dans les combles, sur les balcons et terrasses de tout bâtiment, ainsi que dans les parties communes des bâtiments non réservées à cette utilisation.
    Ces récipients doivent être placés dans une cuvette étanche et incombustible et d'une contenance au moins égale à la capacité du plus gros récipient.
    Les tuyaux de fumée mobiles, les feux nus, les appareils comportant des éléments incandescents non enfermés et des produits combustibles doivent être à une distance minimale de 1 mètre des récipients transportables constituant le stockage.


    Suivant le lieu de stockage, les dispositions des titres IV et V ci-dessus sont applicables aux réservoirs installés de manière provisoire à des fins d'alimentation de chantiers mobiles ou de locaux démontables.
    La capacité globale du stockage ne peut pas excéder 2 500 litres.
    Les réservoirs doivent être protégés contre les chocs et être munis de dispositifs de préhension.

  • TITRE VIII : MISE EN SERVICE, EXPLOITATION ET ABANDON DE L'INSTALLATION


    Avant la première mise en service de l'installation, l'installateur procède à un essai permettant de certifier que celle-ci est étanche (réservoirs et canalisations).
    Après cet essai, l'installateur fournit au maître d'ouvrage de l'installation un dossier comprenant les documents suivants :
    - le certificat de conformité de l'installation aux dispositions du présent arrêté ;
    - une copie du présent arrêté ;
    - la documentation spécifique à chaque équipement ;
    - un livret d'entretien.
    Un exemplaire du certificat de conformité est gardé par l'installateur.


    Le certificat de conformité doit au moins comprendre la mention suivante :
    « L'installation située à (adresse) et composée de (x) réservoir(s) d'une capacité globale de (x xxx) litres est conforme aux dispositions de la réglementation technique et de sécurité en vigueur à la date du présent certificat. »
    Le certificat doit aussi comprendre :
    - les nom et adresse de l'installateur ;
    - les coordonnées du maître d'ouvrage ;
    - les caractéristiques de chaque réservoir : nature (métallique, matière plastique), dimensions, capacité en litres, le numéro de série ;
    - la mention de conformité de chaque réservoir à la norme correspondante ;
    - la date de l'installation ;
    - la référence du présent arrêté.


    Il appartient à l'utilisateur de l'installation de vérifier la quantité admissible préalablement à toute commande.
    Dans le cas où le livreur est autorisé à accéder au stockage, il doit s'assurer avant de commencer l'opération de livraison que les réservoirs ont suffisamment de volume disponible pour recevoir la quantité commandée par l'utilisateur.
    Le jaugeage direct ne doit pas être effectué pendant le remplissage du réservoir.


    Il appartient à l'utilisateur de l'installation d'entretenir celle-ci de manière à éviter tout épandage de produit.
    La cuvette de rétention doit être maintenue dans un état satisfaisant de manière à rester étanche et à garder sa contenance initiale (exempte d'objet ou de liquide réduisant sa capacité).
    Tout réservoir ou canalisation en service dont le manque d'étanchéité est constaté doit être immédiatement réparé ou remplacé. Il convient de limiter au minimum la migration du produit en cas de pollution.


    Tout abandon (définitif ou provisoire) d'un réservoir doit faire l'objet de dispositions conduisant à éviter tout risque de formation de vapeurs :
    - vidange, dégazage et nettoyage ;
    - comblement du réservoir (le produit utilisé pour la neutralisation doit recouvrir toute la surface de la paroi interne du réservoir) ;
    - ou retrait de celui-ci.
    L'entreprise qui intervient dans ce cadre fournit un certificat à l'utilisateur garantissant la bonne exécution des opérations d'inertage citées ci-dessus.
    Si l'abandon est consécutif à la modification de l'installation de chauffage, il appartient à l'entreprise intervenante de respecter ces dispositions.


    Avant la remise en service d'un réservoir qui a fait l'objet de la procédure citée à l'article 28 ci-dessus, les opérations suivantes doivent être effectuées :
    - nettoyage des parois intérieures si nécessaire ;
    - contrôle d'étanchéité ;
    - vérification de la conformité de l'installation au présent arrêté en l'absence du certificat défini à l'article 25 ci-dessus et remise d'un certificat de conformité le cas échéant.

  • TITRE IX : DISPOSITIONS DIVERSES


    Les dispositions du présent arrêté sont applicables six mois après sa date de publication au Journal officiel. Toutefois, les dispositions du présent arrêté peuvent être appliquées dès la publication de celui-ci.


    Les articles 7, 23 et 26 à 32 du présent arrêté sont applicables aux installations existantes.
    Le présent arrêté est applicable sur toutes parties rénovées d'une installation existante.
    Toute entreprise qui intervient sur une installation de stockage existante doit, à cette occasion, vérifier sa conformité aux dispositions du présent arrêté et délivrer pour les parties conformes un certificat tel que décrit à l'article 25 ci-dessus. Sur ce dernier il porte les observations éventuelles pour les parties non conformes.
    Les réservoirs en service à la date d'application du présent arrêté et qui étaient conformes à une norme française au moment de leur mise en service sont présumés conformes aux dispositions de l'article 5.1 du présent arrêté.
    Les réservoirs installés après le 22 juillet 1974 non conformes à une norme française en vigueur à la date de mise en service sont interdits d'emploi.


    Pendant la phase transitoire d'application de la norme harmonisée NF EN 13341, les réservoirs de type ordinaire en matières plastiques doivent être conformes :
    - soit à la norme française NF EN 13341. Cette conformité doit être constatée par l'apposition du marquage CE ;
    - soit à la norme française NF M 88-560 ou toute autre norme ou spécification technique d'un Etat membre de l'Union européenne ou de la Turquie, ou d'un autre Etat de l'Association économique de libre-échange (AELE), partie contractante de l'Accord sur l'Espace économique européen (EEE) assurant un niveau de sécurité et de protection de l'environnement équivalent. Cette conformité doit être constatée :
    - soit par l'attribution au réservoir de la marque de conformité à la norme NF « Stockage pétrolier - réservoirs en matières plastiques » ;
    - soit par la délivrance d'un certificat de conformité par le comité particulier de la marque NF « Stockage pétrolier - réservoirs en matières plastiques », après des essais techniques effectués sous l'égide de celui-ci suivant les procédures techniques instituées en application de l'arrêté du 15 avril 1942, pour déterminer l'aptitude au port de l'estampillage NF « Stockage pétrolier - réservoirs en matières plastiques ».


    Des dérogations aux règles techniques et de sécurité du présent arrêté peuvent être accordées à titre exceptionnel et temporaire, par décision du ministre chargé de l'industrie après avis du comité technique de l'utilisation des produits pétroliers.


    L'article 2 de l'arrêté du 21 mars 1968 modifié ainsi que les articles 1er à 40, 42, 92, 95, 100 et 101 annexés à celui-ci sont abrogés.
    L'arrêté du 26 février 1974 modifié est abrogé.


    Le directeur des ressources énergétiques et minérales est chargé de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 1er juillet 2004.


Le ministre délégué à l'industrie,

Pour le ministre et par délégation :

Par empêchement du directeur général

de l'énergie et des matières premières :

Le directeur des ressources

énergétiques et minérales,

D. Houssin

Le ministre de l'emploi, du travail

et de la cohésion sociale,

Pour le ministre et par délégation :

Le directeur général de l'urbanisme,

de l'habitat et de la construction,

F. Delarue


5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 09:22
Constats irrévérencieux

Des théories économiques éblouissantes aux réalités triviales

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Pour y voir clair dans les péripéties de l’économie, pour disposer d’un outil de surveillance et de décision, les dirigeants, et particulièrement les dirigeants politiques s’appuient sur la supposée science économique. Mérite-t-elle la qualification de « science » ou est-ce de l’aveuglement ?

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Deux mots reviennent automatiquement dans les commentaires des spécialistes de la question, la « macroéconomie » et la « microéconomie ». Ils sont rarement explicités, les personnes qui s’intéressent à l’économie sont censées faire la distinction.

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Disons que la macroéconomie est la pseudo-science qui tripote avec virtuosité des statistiques globales afin d’en tirer des enseignements pour l’avenir. C’est sur ses données que les dirigeants étatiques se fondent essentiellement pour orienter leurs réflexions.

Les macro-économistes s’attachent à dégager des tendances irrésistibles afin de subodorer le futur. Comme ils sont persuadés (à juste titre, c’est mathématique) que leurs calculs sont logiquement exacts, ils accordent une foi inébranlable en leurs conclusions. Les dirigeants politiques les suivent de manière moutonnière car ils leur délèguent ce genre d’exercice intellectuel trop rébarbatif pour eux.

Cette façon d’abdiquer revient à prendre pour argent comptant des indications qui peuvent être utiles comme signaux d’alarme mais sinon à regarder avec beaucoup de circonspection.

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D’abord quel degré de fiabilité, en tant que reflets des situations concrètes, peut-on accorder à des chiffres qui reposent sur des données dont on ne connaît guère la marge d’incertitude. Dans une économie mondialisée, les taux de change (manipulés) ont une influence considérable. Pour trouver des exemples, il suffit de comparer entre pays des réalités économiques concrètes équivalentes. Un travail ou un autre, tel que celui d’un manutentionnaire équipé d’un transpalette, est le même en regard de son efficacité économique immédiate (et du poids de sueur dépensée) quel que soit l’endroit où il est fourni. Ils sont équivalents quant aux résultats concrets obtenus dans une production destinée à la consommation mondiale. Pourtant, la rémunération qui s’y attache, et qui donne le pouvoir de consommation (et le droit de parler) au niveau mondial, varie facilement du simple au décuple. Que signifient alors des statistiques qui mélangent indistinctement des chiffres venant des quatre coins de la planète ?

Ensuite, les statistiques sont le reflet des périodes révolues. Les réalités sont en perpétuelle évolution et le problème des dirigeants est d’inscrire leur action dans un présent combiné au futur. Gouverner c’est prévoir dit l’adage Les tendances calculées mathématiquement à partir de données dépassées et discutables sont des actes de foi et non des vérités. Ancrer des décisions concrètes sur un éventuel taux de croissance aléatoire, qui va dépendre des dites décisions, c’est jouer au serpent qui se mord la queue.

Enfin, des novations à partir du chaos peuvent rendre brutalement caduques les anticipations les plus mathématiquement savantes. Qui dit novation dit justement impossibilité de les voir apparaître dans les tendances statistiques. Or, pour pouvoir les enfourcher judicieusement, il faut le faire le plus tôt possible, avant qu’elles aient trop remis en cause les savantes élucubrations et les fonctionnements au passé et au présent.

Pour bien gouverner Il ne faudrait pas se contenter des tendances historiques, il faudrait aussi être attentif aux péripéties mineures qui affectent constamment l’économie réelle mais qui n’apparaissent pas clairement dans les chiffres. L’économie mondiale est un chaos, elle est donc très sensible à « l’effet papillon », comme la météorologie.

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La microéconomie, quant à elle, est l’étude chiffrée des réalités du terrain, encore abordée dans une vision globalisante. Les statistiques y sont également largement utilisées mais de façon plus ciblée (en principe). Elles reposent également sur le chiffrage comptable des richesses, avec les mêmes inconvénients, cependant, elles s’adressent à des domaines d’investigation moins généraux. Les taux de change y rendent aussi les rapports avec l’économie réelle (celle des productions concrètes et des consommations y afférentes) très trompeurs quant à leur signification concrète. Elles sont cependant complétées par des considérations qualitatives ce qui permet d’en atténuer les risques sur le court terme et de focaliser les réflexions. Elle est plus réceptive à l’émergence des novations (quand les micro-économistes y sont attentifs), mais il ne faut surtout pas se limiter à la veille technologique, les mouvements d’opinion ont un grand rôle. Elle fait appel à un « homo économicus » robotisé censé représenter l’acteur économique de base en toutes circonstances.

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La microéconomie a un autre défaut, elle repose aussi sur les comptabilités, les statistiques et les formules mathématiques, alors que l’économie réelle est fondée sur les besoins et les comportements induits par le ressenti des acteurs. Elle est enfermée dans un cercle vicieux intellectuel : les besoins ne sont connus que par les productions consommées et donc les décisions de production sont fondées de fait sur les résultats des décisions de production. La géographie des besoins réels est absente.

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En conclusion de ces constats, il est inévitable que le terrain que constitue l’économie réelle ne soit qu’un champ de manœuvre pour les luttes de pouvoirs qui existent partout entre concurrents de toutes natures, tout petits ou gigantesques, quelles que soient leurs armes et leur motivation plus ou moins inconsciente.

La réflexion économique fonctionne avec des données caduques et douteuses. Elle est pilotée en regardant un rétroviseur à effet déformant. Elle progresse en conséquence comme une gigantesque foire d’empoigne, et à tâtons. Il est flagrant que, en fait, ce qu’on appelle « la science économique » n’est que le reflet d’une émergence à partir d’une énorme situation chaotique constituée des multiples ressentis et comportements des acteurs de tous niveaux. Elle se contente d’étudier les conséquences de ce foisonnement et prétend en maîtriser les causes. Elle n’est qu’un alibi pour les pilotes aux mannettes, eux-mêmes englués dans leurs aveuglements.

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Réguler, introduire une cohérence dans tout cela est réservé essentiellement à deux classes d’acteurs, les acteurs politiques et les acteurs financiers. C’est un constat de la réalité systémique. Les autres acteurs individuels doivent faire avec. Politique et finance sont censées organiser des échanges judicieux entre macroéconomie, microéconomie et économie réelle.

Ces deux disciplines spécifiques ont chacune à sa disposition, de fait et de droit, un moyen imparable de bloquer ce qui ne leur convient pas dans les péripéties de l’économie réelle. Pour la première, il s’agit de la loi et de la réglementation, pour la seconde, c’est le contrôle de la circulation des liquidités. Elles ont des moyens efficaces pour bloquer, mais aucun pour dynamiser. La dynamique de l’économie réelle n’est ni dans l’économie politique, ni dans l’économie financière. Ce sont les acteurs de base qui la font en dépit des vents politiques tourbillonnants et des marées financières, les flux et reflux du crédit.

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Chacun des deux pilotes systémiques vit dans sa bulle. Ils sont animés de motivations qui sont bien éloignées de ce que le vulgum espère plus ou moins consciemment. Ils ont naturellement acquis une façon de voir les choses adaptée à leur comportement foncier, à leur pensée unique, à ce qui régente leur bulle.

Les politiques ne songent qu’à conquérir ou conserver des statuts gratifiants, des droits régaliens de régner sur le comportement de leurs concitoyens. Ils ne raisonnent qu’en termes de conflits de pouvoir, de rivalités, d’élimination de leurs rivaux, de constitution de clubs de supporters, etc. Ce qui compte pour eux, ce n’est pas d’optimiser l’économie réelle, mais de s’en servir pour conforter leurs pratiques.

Les financiers ne songent qu’à gérer des crédits tout en récupérant toutes les liquidités qui stagnent un tant soit peu dans l’économie réelle. Leur objectif opérationnel fondamental est de gonfler leurs actifs financiers autant qu’ils arrivent à le faire. Peu leur importe les impacts sur l’économie réelle, ce n’est pas leur problème. Et peu leur importe également que leurs actifs soient artificiels, qu’ils ne reposent que sur des bases d’économie réelle ridiculement réduites.

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Chacun aussi de ces deux activistes essaie de mettre l’autre à son service pour profiter de ses pouvoirs spécifiques. Mais ils sont bien forcés de s’entendre car chacun a le pouvoir de bloquer l’autre. La théorie des jeux explique que, s’ils ne veulent pas périr ensemble dans une « étreinte fatale », ils sont obligés chacun de laisser l’autre respirer.

Les politiques, qui se sont laissé piéger par les séductions du fonctionnement à crédit, adaptent leurs réglementations aux besoins boulimiques des autres. Les financiers qui sont à la merci des législations, modèrent leur pression sur les emprunteurs étatiques impécunieux qui les morigènent. Quand l’un est en péril, l’autre essaye de lui sauver la mise : « too big to fail » fonctionne dans les deux sens.

Pour les deux, la macroéconomie et la microéconomie ne sont que des émetteurs de signaux destinés aux acteurs qui se débattent entre leurs besoins ressentis et leur capacité d’action. Ils les tourneboulent pour les égarer et essayent de les conduire là où ils auraient envie qu’ils aillent. Or, de fait, ce sont ces acteurs de base qui par leur comportement quotidien sont les vrais décideurs sur le terrain réel.

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L’économie réelle est avant tout pour les deux complices une vache à mener au pré à la baguette, et à traire : une sorte de ruminant à faire ruminer. Ceci est encore un constat.

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… à plus …

25 décembre 2014 4 25 /12 /décembre /2014 08:34
La théorie néoclassique

ou comment se faire enfumer

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La théorie économique actuellement régnante est la théorie néoclassique. Elle est présentée comme une synthèse regroupant le libéralisme et le keynésianisme. C’est elle qui préside aux patouillages actuels pour essayer de sortir de la crise, mais c’est aussi elle qui a piloté sa survenue. Ce n’est pas de très bon augure pour la suite des événements.

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Le problème des économistes est qu’ils tentent de présenter leur discipline comme une science exacte, à l’instar de la physique. Pour ce faire, ils ont besoin de mesures afin d’étayer leurs réflexions par des données solides, communicables entre eux, et pouvant entrer dans une représentation dont la logique serait inattaquable parce que faisant appel aux outils mathématiques.

Des données chiffrées en économie n’existent vraiment que par les comptabilités. Même en supposant qu’elles soient un reflet fiable pour représenter la réalité économique de l’organisme auquel elles se rapportent, elles ont l’inconvénient d’être en nombre énorme, autant que d’organismes à vocation économique, et de parler chacune le jargon propre au métier qu’elles illustrent. Par exemple, quelle parenté de comportements économiques existe-t-il sous la même appellation « vente », à part le transfert de liquidités de client à vendeur, entre la vente de frites dans une friterie, la vente de denrées dans une grande surface, la vente par correspondance sur catalogue par l’intermédiaire du web, la vente d’un bien immobilier, la vente d’un avion de ligne à une compagnie aérienne, etc. ? Imaginer qu’une addition du montant des ventes de tous les organismes d’un pays, ou relatives à une certaine catégorie d’acheteurs, suffit à rendre compte de la multitude des activités réelles différentes, chacune à connotation économique, qui s’attachent à ce simple mot ! ...

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Première question à se poser : les statistiques qui servent de base à la réflexion économique, qui agrègent au niveau macroéconomique des résultats de comportements et de ressentis absolument disparates, sont-elles qualifiées pour générer des indications pertinentes destinées aux multiples acteurs disparates qui, justement, par leur ressenti et leur comportement micro-élémentaires, font la réalité de l’économie ?

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Ce n’est qu’une première question. En voici une deuxième.

Les statistiques en question proviennent de comptabilités et, mondialisation de l’économie oblige, elles font la part belle à l’utilisation des taux de change dans leurs calculs. Ces cours des monnaies sont le résultat des cogitations de traders qui ne se soucient absolument pas de la réalité opérationnelle des activités économiques, ce n’est pas leur problème. Leur job est de peser sur ces cotes et d’en jouer pour maximiser les gains spéculatifs de leurs employeurs. Si l’on considère, comme le fait la théorie néoclassique, que le salaire et le pouvoir d’achat sont question de mérite et d’utilité collective, un plumitif quelconque dans une administration de « pays développé » a plus de dix fois le mérite et l’utilité d’un travailleur de la production industrielle dans un « pays en développement », utilisant les mêmes technologies et équipements que ses homologues des pays développés, avec des durées de travail largement supérieures et avec nettement moins d’avantages sociaux. La cote du litre de sueur économiquement utile est sans commune mesure d’un pays à un autre. Pourtant les ressentis en termes de pénibilité et d’espoirs, et donc les comportements qui en découlent, sont agrégés sans état d’âme avec des valeurs énormément différentes selon leur localisation.

Peut-on tirer de ces agrégats des indications valables, en concevoir des mesures judicieuses pour orienter les activités de centaines de millions d’acteurs répartis sur toute la planète ?

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Ce n’est pas tout, passons à la suivante.

Les statistiques portent sur des faits écoulés, elles reflètent le passé. Nous sommes dans un monde économique en mutation continuelle en fonction de phénomènes souvent imprévisibles. Les décisions économiques positives, compte tenu de l’énorme inertie du système socioéconomique, mettent des années avant de porter leur fruit, qui peut se révéler sans véritable intérêt si les circonstances ont changé. Il n’y a que les blocages opérationnels qui peuvent être rapides.

Si un conflit (ou autre événement soudain) provoque une pénurie de produits indispensables, très largement utilisés, ou un excédent qui en fait chuter le prix, mettons qu’il s’agisse des hydrocarbures, les statistiques des périodes passées sont-elles encore représentatives des réalités ?

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Il y en a encore une dernière.

Les économistes néoclassiques font passer les chiffres des statistiques à la moulinette mathématique pour en déduire des courbes, représentées par de belles équations ésotériques comprises uniquement par quelques rares personnes, qui n’ont pas forcément droit à la parole quand ils dérangent l’establishment.

Ces belles équations sont considérées comme des « lois », avec leurs sous-entendus de vérité incontestable et permanente. Néanmoins, les petits astucieux qui les connaissent expérimentalement, et particulièrement avec leurs points faibles, peuvent en tirer des indications très utiles concernant les tendances des décisions qui seront prises par les détenteurs de pouvoir, eux-mêmes conseillés par les néo-économistes bien en cour. C’est valable aussi bien pour la décision de ne rien changer, que pour celle de changer quelque chose. Les petits astucieux en question vont profiter de ce savoir pour engager des actions propres à maximiser leurs intérêts. Ce faisant, ils vont introduire dans les faits des ajouts qui n’ont pas été prévus dans le paramétrage des dites équations. Les résultats ne seront pas forcément ceux qui avaient été visés par les décideurs politiques.

De manière plus générale, il est aussi possible de dire que le système réel, modélisé par ces équations, est en permanence retouché, que les retouches génèrent des effets parasites qui nécessitent de nouvelles retouches, et ainsi de suite. Plus on le perfectionne par de nouvelles directives ou réglementations, plus elles nécessitent de nouvelles pour tenter de retrouver les belles courbes sensées représenter « la Vérité vraie ».

Pensez-vous que cette manière pseudo-scientifique d’appréhender les choses puisse aboutir de manière suffisamment fiable compte tenu de l’importance des enjeux ?

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Une cause fondamentale de notre situation de crise, peut-être même la cause dominante, est que les détenteurs de pouvoir, économistes ou politiques, enfermés dans leur bulle déformante, ne veulent connaître les réalités que par les « on-dit » illustrés par les statistiques comptables officielles. Ces constats douteux sont plaqués sur des élucubrations mathématiques approximatives qui s’empilent pour tenter de figurer une « Science ». Dans cette acrobatie, les chiffres comptables certifiés, synthétisés dans des statistiques arbitraires, sont l’unique support de la « vérité socioéconomique ».

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Les dirigeants sont englués dans la théorie néoclassique. Ils ne regardent pas dans la cuisine le feu des activités économiques, celui qui fait bouillir la marmite. Ils sont à l’extérieur à humer la fumée des chiffres qui sortent de la cheminée comptable. Sans doute escomptent-t-ils que son parfum va faire venir le Père Noël !

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C’est son jour, alors « Joyeux Noël à tous », croyants ou sceptiques.

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… à plus …

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