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17 avril 2012 2 17 /04 /avril /2012 10:54

 marché 3

 

… ou quand le système financier joue les amplis

 

Le monde économique est enlisé dans « la crise ». L’économie européenne et singulièrement française est sur la sellette. Les candidats à la présidentielle promettent tous monts et merveilles avec des recettes à faire rigoler les chevaux de bois, s’il y en avait encore dans les fêtes foraines. Ils sont excusables car les économistes professionnels, s’ils sont d’accord pour dire que tout va mal et en s’aggravant, ne proposent que des serrages de ceintures sans garantie de résultat.

Pourquoi en sommes-nous là alors qu’une foultitude de dirigeants super-instruits, talentueux et bien intentionnés nous a conduits progressivement à cette situation désastreuse ? Ceux qui s’aventurent à un diagnostic ne disent guère que « c’est pas comme ça qu’il fallait faire ! ».

Alors, plutôt que d’attendre que la macroéconomie devienne prédictive, faisons de la macroscopie comparative de mécanismes.

 

En économie le « marché factuel » est le lieu où les richesses acquièrent une valeur d’échange entre propriétaire et acquéreur. C’est indispensable en cas d’usage d’une monnaie quelconque.

Chacun, c’est naturel, essaye de faire valoir ses propres intérêts de manière à maximiser sa satisfaction. En régime libéral les deux protagonistes sont livrés à eux-mêmes dans une grande mesure, tout ce qui n'est pas interdit est autorisé. En régime dictatorial, ils sont encadrés par un carcan réglementaire imposé par la force, tout ce qui n'est pas autorisé est interdit, qu’il s’agisse de la dictature d’un homme, d’un clan, d’un parti, ou d’une idéologie relayée par un homme, un clan ou un parti.

Dans tous les cas le résultat est celui d’une confrontation de pouvoirs, donc d’un rapport de forces. Les différentes théories d’établissement de la valeur, telles que celle de la valeur marginale proposent des contorsions pour essayer de camoufler cette évidence.dialogue 1

Dans ce face à face, le droit de propriété est un avantage initial en termes de pouvoirs. Si l’objet est à vendre, c’est sans doute que sa possession ne fournit pas de satisfaction suffisante, mais il existe déjà pour l'acheteur un handicap de valeur acquise à combler. Dans la très grande majorité des cas, le vendeur a donc une position de force. Si son droit est garanti, il a toujours la possibilité de refuser la transaction. La transaction ne se fait donc que si le vendeur en tire un bénéfice suffisant en termes de satisfaction. Quand  il se sent acculé à accepter la transaction, c’est qu’il préfère vendre plutôt que risquer d’obtenir moins de satisfaction (ou plus d’insatisfaction ce qui revient au même) en vendant plus tard.

L’art du vendeur consiste à maquiller son propre bilan de satisfaction, tiré de la richesse qu’il offre,  tout en faisant miroiter des espérances de satisfactions futures importantes pour l’acheteur potentiel, afin de donner l’apparence d’un échange équilibré. C’est ce qui explique le développement de la publicité, de la culture des effets de mode, et finalement de l’amplification ou création artificielle de besoins, autrement dit d’espoirs de satisfactions pour des acheteurs captifs.

 

L’économie crée des richesses à partir de ressources naturelles, y compris le travail humain. Elle n'a lieu d'être que si un vendeur compte y trouver un intérêt, donc un acheteur. Sinon, ce ne serait plus de l’économie mais de l’activité sans contrepartie.

Les ressources de la planète sont gratuites au départ et les potentialités de travail ne sont mises en œuvre que dans la perspective d’une richesse échangeable. La valeur finale d’une richesse est la représentation du cumul des déséquilibres des espoirs de satisfaction tout au long des chaînes d’échanges que constituent les circuits économiques amont (déséquilibres des pouvoirs de persuasion dans le tandem vendeur-acheteur au moment de la transaction, dans le contexte contingent local de celle-ci).

L’économie de marché n’est qu’un traitement informatif de la valeur subjective.

 

marché 2

 

Le troc est un moyen archaïque de le pratiquer. C’est du bouche à oreille. La monnaie, support d’information sur la valeur des richesses en objet, a apporté une puissance et une souplesse considérables au traitement de cette information. Elle joue un rôle analogue au codage électromagnétique utilisé abondamment comme médium dans les traitements modernes de l’information.

 

Les échanges sont déséquilibrés et les vendeurs peuvent stocker leurs excédents bénéficiaires dont ils n’ont pas un usage immédiat. C’est l’épargne. C’est de la réserve de valeur, donc la disposition d’une réserve de satisfaction potentielle échangeable contre n’importe quoi, en ayant une position privilégiée de vendeur.

L’épargne permet de pratiquer le crédit, c'est-à-dire d’échanger une satisfaction immédiate contre une satisfaction ultérieure, supérieure grâce aux intérêts. Le crédit est un amplificateur de la satisfaction initiale du prêteur profitant d’une position de force. 

La monnaie, l’épargne et le crédit ont donné lieu à l’essor de l’industrie financière.

 

Dans le système financier primitif, la monnaie en circulation provenait de trois sources, les liquidités accompagnant le flux des richesses allant de la production jusqu’à leur consommation, l’épargne et le battage de monnaie.

Le flux monétaire était régulé par le mécanisme inflationniste. La valeur subjective des richesses consommées, correspond au nombre et à la prégnance des besoins qu’elles permettent de satisfaire. Si le volume de monnaie s'accroît trop en face d'une quantité donnée de richesses à échanger l'inflation se produit. Si elle est trop importante, le marché se dérègle et production, distribution et consommation se désaccordent. Les autorités politiques régulatrices de l’émission de monnaie n’avaient pas intérêt à tolérer une inflation pénalisante et freinaient généralement l’emballement inflationniste.

 

Ce qui a fait dérailler le mécanisme primitif, c’est l’abandon par le pouvoir politique du rôle de contrôleur du système financier. Dépassé par sa complexité et sa taille mondiales, les dirigeants politiques se sont contentés de suivre les recommandations de leurs conseillers financiers, ou plutôt financiers conseillers.

Pour les financiers, la matière première est constituée de l’épargne et du montant des comptes confiés par des clients pour les revaloriser. Aux commandes, ils se sont attachés à générer un maximum de monnaie puisque celle-ci est leur raison d’exister. Grâce à la monnaie scripturale, aux produits dérivés et autres outils, ils ont trouvé le moyen de multiplier sans contrôle le volume de monnaie par le crédit. Restait à résoudre le problème de l’inflation. Il fallait trouver de quoi éponger la monnaie excédentaire sans qu’elle vienne se déverser dans les circulations PDC (Production-Distribution-Consommation), au risque d'inflation en face de la réalité des besoins et de la valeur subjective des richesses consommables.

Ils avaient déjà le contrôle de la plupart des bourses, et donc du « marché ». Il leur a été livré sans combattre par leurs initiateurs, c'est-à-dire les producteurs, distributeurs et consommateurs qui sont devenus leurs obligés en s’abandonnant aux facilités du crédit et de la gestion de l’épargne par ces experts en gonflette.

Dans les richesses, certaines disparaissent parce qu’elles sont consommées, d’autres ont vocation à durer. Pour esquiver l’inflation, il leur a suffi de favoriser au maximum toutes les pratiques spéculatives et d’affecter la monnaie scripturale en excédant à une création et une manipulation frénétiques de richesses durables plus ou moins artificielles. Toute la valeur conventionnelle de l’excédent monétaire est comptabilisée au titre de sous-jacents qui se justifient par des besoins tout aussi artificiels. Les financiers officialisent eux-mêmes ces besoins puisque ce sont les leurs. C'est avant tout celui de reporter sur d’autres les risques du crédit (qui justifient les intérêts) et après tout d'éviter l’inflation. Les CDS en sont un exemple emblématique.

L’inflation sur les richesses consommables est ainsi jugulée.

 

sono 5Venons-en à « l’effet Larsen ». Il est bien connu dans les chaînes de sonorisation.

 

Il se produit quand, dans une chaîne récepteur-ampli-émetteur, le récepteur capte une partie de l’émission de l’émetteur. En acoustique, c’est quand le micro capte le son du haut parleur et l’envoie dans l’ampli.

vacarme 1Le système se met en résonnance en fonction de ses caractéristiques. Le signal traité se met à croître spontanément en boucle, de manière très déformée. En acoustique, un bruit désagréable augmente ainsi rapidement jusqu’à un niveau tel que le matériel abdique. Ce niveau est rarement atteint car il se trouve généralement un auditeur incommodé qui se précipite sur l’appareil pour couper le son.

 

En économie, le système financier reçoit de l’épargne et des liquidités à faire fructifier. Il se sert du crédit comme amplificateur de volume monétaire. Si les bénéfices de cette pratique sont réinjectés dans le système pour spéculer, il se produit une augmentation exponentielle de monnaie scripturale qui fait croître sans frein les valeurs conventionnelles des richesses durables. Cela touche des richesses tangibles, comme les biens immobiliers ou des richesses naturelles telles que des ressources minérales. Cela touche aussi les titres financiers qui sont en fait des créances, ou des produits dérivés des diverses richesses sur le marché.

Ce phénomène n’est qu’une concrétisation, parmi d’autres, de l’effet Larsen.

 

Son antidote est simple, il suffit de consacrer tous les surplus de monnaie scripturale créés par le crédit, non pas à spéculer, mais à consommer plus, pour détruire la valeur conventionnelle excédentaire. Il faut donc restreindre strictement le crédit à la mise en circulation de l’épargne de précaution, sans réinjecter les bénéfices dans le circuit spéculatif. Il faut aussi produire plus. C’est casser tous les mécanismes spéculatifs.

Cela se heurte à des obstacles majeurs :

-      Il est beaucoup plus agréable de se donner de la satisfaction en consommant que de se donner de l’insatisfaction en produisant.

-      La situation dégradée permet aux « puissants économiquement » d’augmenter leur pouvoir et de contraindre les plus faibles à produire ce qui plait aux « riches ».

-       La spéculation fait grimper le coût des investissements et freine les possibilités de production.

-      Les exigences du développement durable posées par la capacité limitée en ressources de la planète contraignent la production.

-      Les liquidités mises en circulation dans la circulation PDC (Production-Distribution-Consommation) génèrent de l’inflation si les productions ne se développent pas en proportion. L’investissement productif ne porte ses fruits, en général, qu’au bout de quelques années. En attendant, il est générateur d’inflation par les salaires supplémentaires qu’il injecte dans la consommation.

-      La gonflette financière permet le phénomène de monnaie forte <  Monnaie forte  >, indispensable pour garder une balance des comptes équilibrée quand la balance commerciale est déficitaire.

-      Etc., etc., …

 

L’effet Larsen détériore aussi le matériel. Le système financier n’échappe pas à la règle.

 

La valeur conventionnelle de certaines richesses réputées durables ne tient qu’à l’auto-persuasion de leurs propriétaires spéculateurs. Un retournement d’opinion suffit à provoquer un effondrement des cotes et une disparition soudaine d’un pan entier de la valeur comptable des sous-jacents concernés. Par effet de dominos, l’effondrement peut se propager de place en place et provoquer une crise financière.

La chaîne d’amplification financière a vu un de ses étages céder sous la surchauffe et les autres subir le choc en retour. La chaîne PDC se bloque par manque de liquidités.

Pour la relancer, il faut ouvrir les vannes du crédit étatique. Les organismes financiers en profitent pour regarnir de capitaux leurs caisses de résonnance en forme d’actifs. L’économie réelle reste en panne pendant que les spéculateurs se refont une santé.  

cercle vicieux Remarque en passant : Les indicateurs financiers, dans une économie mondialisée, reposent sur les taux de change des différentes monnaies. Les bourses ne fixent pas ceux-ci avec une vision objective, c'est-à-dire pour générer une image de l’économie réelle. Les taux sont positionnés dans une démarche spéculatrice, pour faciliter la mise en résonnance des valeurs de titres financiers dont beaucoup sont artificiels et sans rapport avec le monde des besoins humains et des richesses consommables.

De ce fait, les indicateurs ne véhiculent que des informations virtuelles. C’est néanmoins sur elles que les décideurs de tout poil se basent pour piloter. L’incohérence de leurs décisions avec le monde réel ne fait qu’entretenir le chaos. Plus personne ne trouve les bons boutons à actionner pour arrêter la dégringolade,  encore moins les dirigeants politiques prisonniers de leurs réseaux, de leurs idéologies et de leur démagogie.

 

Faut-il revenir à une économie de type médiéval pour avoir un système financier préservé du Larsen monétaire ? Ce serait quand même paradoxal !

 

à plus …

 

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