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25 septembre 2015 5 25 /09 /septembre /2015 09:59
Modèles statiques et modèles dynamiques en macroéconomie

La conduite au rétroviseur   

 

La macroéconomie s’attaque à un domaine gigantesque : les activités économiques de production et de consommation de presque huit milliards d’acteurs élémentaires installés sur une planète de 40 000 km. de circonférence. Excusez du peu !

Les effets macroéconomiques de ces activités sont connus par de l’information condensée et ils motivent les macro-décisionnaires, pour prendre leurs macrodécisions qui impactent des dizaines ou des centaines de millions d’acteurs individuels. Ceux-ci les perçoivent comme des dérangements dans leurs habitudes, et ils les interprètent comme ils le peuvent, pour essayer d’en retirer un maximum de profit et/ou un minimum de désagrément.

 

Cette information condensée, tellement nécessaire aux macrodécisions, provient de la distillation de la foultitude des chiffres qui émanent des comptabilités de tous les organismes, des déclarations de tous les contribuables, des agissements de tous les services fiscaux, des contrôles douaniers, etc. Elle est le résultat du traitement industriel de toutes ces informations collectées, par tous les ordinateurs mobilisés pour en extraire des statistiques, avec en couronnement les statistiques annuelles, par pays et par macro-secteurs économiques.

Le traitement industriel en question n’est pas mené au hasard, il est organisé pour fournir des informations bien cataloguées afin de répondre à la curiosité de spécialistes, les économistes. Leur rôle est de les présenter en particulier aux grands décideurs, avec un accompagnement de commentaires, de diagnostics, et de recommandations.

 

D’abord, que valent ces informations de base ?

 

Déjà, il est à remarquer que, pour pouvoir en tirer une vision cohérente globale, elles sont libellées en chiffrages monétaires. Pour permettre des analyses transfrontières, elles sont généralement converties en la monnaie habituelle de référence, le Dollar.

Cette première remarque conduit à considérer que ces chiffres sont sujets à caution car ils dépendent des cotes et des taux de change. Ceux-ci sont l’objet de manipulations intenses au service d’intérêts très particuliers qui passent complètement à l’écart des réalités économiques triviales du terrain.

 

Ensuite, il est à noter que cette façon de soupeser l’économie ignore complètement de nombreux facteurs qui jouent cependant un rôle important : les traditions, les modes, les évolutions technologiques, les contingences environnementales, les conflits politiques et géopolitiques, les dogmes, l’impact psychologique du chômage, la démographie, etc.

L’économie est une émergence à partir de la nébuleuse des milliards de comportements individuels. Ceux-ci sont le fait des milliards de ressentis particuliers des habitants de la planèt, mais la quasi-totalité des individus ne consulte pas les statistiques et n’a pas la moindre idée de ce que pourrait être une macroéconomie objective.

 

Enfin, les critères de regroupement sont assez arbitraires et tiennent à des considérations de forme plutôt que de fond. J’ai déjà effleuré le sujet à propos du brouillard qui couvre la notion d’investissement. On pourrait par exemple soulever un autre rideau, celui qui habille la notion de revenu. La distinction entre un revenu capitalistique et un revenu considéré comme lié au travail productif, ou entre une rente et un salaire, ne tient qu’à des choix administratifs, de la commodité d’information, et non aux motivations et aux activités réelles des personnes concernées, et donc à leur représentativité économique. Dans un autre registre, apprécier le niveau de vie dans un pays indépendamment des contingences locales est aussi bien arbitraire.

 

 

Pour prendre leurs grandes décisions, les grands décideurs écoutent leurs économistes préférés, parfois courtisans. Après avoir pris leurs avis, ils méditent en liaison avec leurs propres préoccupations politiques. Ils ne les suivent d’ailleurs pas toujours car ils peuvent être dérangeants pour leur cursus clanique.

Leurs grandes décisions sont évidemment destinées à faire évoluer le cours des choses, c’est leur rôle.

 

Etant fondées sur des données comptabilisées, sur un temps donné, à une date donnée, il résulte des statistiques une photographie figée, une modélisation statique de l’économie. Or, pour faire évoluer le cours des choses, il est indispensable de placer les réflexions dans des perspectives de causes à effets. Il faut raisonner non seulement sur des résultats comptables, mais en identifier la dynamique. Les économistes projettent en conséquence, les unes après les autres, les images annuelles pour animer leur écran. 

 

La dynamique macroéconomique est une émergence à partir d’un chaos (c’est dit plus haut) mais toutes ces activités sont liées. Il faut y trouver une logique pour relier de manière cohérente les évolutions des chiffres qui figurent dans les différentes cases des statistiques annuelles.

Les économistes, conscients de cette nécessité pour leurs analyses, leurs commentaires et leurs recommandations, sélectionnent dans la panoplie qui leur est offerte les dogmes et théories qui conviennent à leur sensibilité personnelle. Ils en tirent des conclusions quant aux ressorts cachés qui provoquent l’émergence macroéconomique et ses évolutions.

Ils sont nombreux et ils sont loin d’être tous d’accord. Il suffit de regarder tous les remous soulevés par l’ouvrage récent de Thomas Piketty, « Le capital du XXIème siècle », pour s’en apercevoir.

 

Afin de présenter une dynamique à partir de chiffres historiques, chacun d’entre eux a sa méthode.

Les plus primaires se fient à leur intuition, font une hypothèse, et cherche à la vérifier en picorant ce qui leur convient dans les statistiques.

D’autres veulent une méthode plus scientifique, reposant sur une base mathématique, s’appuyant sur des équations et des calculs justificatifs, afin de déceler des tendances par le calcul. Selon leur culture mathématique, ils utilisent des outils plus ou moins sophistiqués. Les plus simples font appel à des systèmes d’équations linéaires, d’autres se lancent dans l’utilisation d’équations différentielles. Les plus impressionnants pour le vulgum se servent d’équations tirées des théories du chaos, mises en branle dans de puissants ordinateurs, comparables à celles qu’utilisent les météorologues pour prévoir le temps qu’il va faire.

 

Nous pouvons au passage remarquer que les météorologues arrivent assez bien à expliquer les raisons du temps qu’il a fait dans un passé proche, à prévoir le temps qu’il va faire dans les quelques jours qui viennent, et qu’au-delà ils sont très évasifs. Nous pouvons aussi noter qu’ils utilisent des données indiscutables, car basées sur des instruments de mesure que personne ne cherche à influencer à sa propre convenance, pressions, températures, orientation des courants d’air ou d’eau, taux d’humidité, orbite et rotation terrestres, etc. Par ailleurs, la logique de base des phénomènes étudiés est celle de la thermodynamique, que personne n’est en mesure de bricoler à son profit.

 

Pour utiliser des équations, il faut sélectionner des variables, puis les relier par des opérateurs logiques plus ou moins complexes. Pour en tirer des résultats, il faut que ces variables soient quantifiables. Ensuite, il suffit d’affecter des valeurs à certaines et la logique mathématique permet d’en calculer d’autres. Pour avoir une modélisation dynamique des phénomènes, météorologiques, économiques ou autres, il suffit que le temps fasse partie des variables sélectionnées.

Il faut quand même ne pas se contenter de découvrir mathématiquement des corrélations pour en déduire qu’une variable est liée à une autre. Ainsi, la pollution chimique de l’atmosphère et la longévité humaine croissent toutes les deux régulièrement depuis plus de cent ans. Les statistiques sur le sujet ne manquent pas et il suffit d’un traitement mathématique élémentaire pour s’en apercevoir. De là à en tirer argument pour exposer que c’est la pollution atmosphérique qui prolonge la vie humaine, il n’y a qu’un pas que je ne vous incite pas à franchir : ce ne serait pas politiquement correct.

 

Dans les équations plus ou moins sophistiquées des macro-économistes, les données sont évidemment tirées des statistiques. Elles ne prennent en compte que les données comptabilisées. Comme elles sont très nombreuses, chacune avec son libellé conventionnel, il faut faire des choix pour limiter à quelques unes le nombre de variables à prendre en considération. De nombreuses corrélations différentes peuvent être subodorées. Chaque économiste fait sa sélection en fonction de ses intuitions personnelles et arrive à des résultats peu cohérents avec ceux de ses concurrents.

Les autres facteurs des ressentis, donc les autres causes des comportements individuels, non chiffrables, ne peuvent pas être intégrés dans les équations. Les manipulations intéressées de certaines cotes, les influences médiatiques, la mutation des besoins vers le ludique ou le gratifiant chez les plus aisés, les émergences technologiques, les évolutions environnementales, les contagions dogmatiques, etc., ne peuvent pas intervenir dans les raisonnements mathématiques.

 

En foi de tout cela, m’est avis que considérer avec crédulité les avis des économistes bien en cour est assez hasardeux …

 

Existe-t-il un autre moyen pour repérer la dynamique installée par les faits dans l’économie ?

 

J’ai une suggestion, et suis même allé plus loin, j’ai tenté le coup. Plutôt que de prendre en compte leurs effets passés, il est possible de regarder directement les activités, de les distribuer sur une grille d’observation mieux adaptée que celle utilisée pour établir les statistiques traditionnelles, et de les observer non plus selon leurs résultats comptables mais selon l’influence qu’elles ont les unes sur les autres.

Ce ne peut être fait, évidemment, que de manière très macroscopique étant donné l’ampleur du sujet, mais cela donne déjà des explications au fait que les grandes décisions des grands dirigeants se révèlent incapables de sortir notre pays et l’Europe de la crise multidimensionnelle généralisée où ils s’enlisent.

 

Il n’y a pas d’outil miraculeux. Il n’y a qu’à (alors faut qu’on !) essayer de regarder directement les inter-réactions directes entre les activités pour les « griller »  convenablement, indépendamment de leurs acteurs car ils peuvent combiner chacun plusieurs natures d’activités. Il existe une méthodologie pour cela, l’analyse systémique appliquée à l’étude des processus, et en se servant du macroscope cher à Joël de Rosnay.

C’est cette façon de faire qui permet en particulier de comprendre la raison de résultats comptables apparemment paradoxaux, par exemple, le fait que ni booster l’offre, ni booster la demande, ne parviennent à booster la croissance d’un PIB.

Tout ceci en gros le thème de l’ouvrage évoqué à la page « Le masque d’Esope » de ce blog (je viens de le terminer).

 

Nos dirigeants, mais ce n’est pas limité à la France, pilotent en ne regardant que les situations révolues, au travers de données incomplètes et distordues par la déformation institutionnalisée des instruments de mesure.

Sur une route cahoteuse, ils conduisent en ne regardant qu’un  rétroviseur déformant et au champ réduit. La crise a installé le véhicule économique sur un chemin de montagne et nul ne s’avise de découvrir par d’autres moyens ce qui peut se trouver devant : un boulevard, un tournant, une zone verglacée, un précipice, ou plus probablement une piste qu’il resterait à choisir, à tracer et à aménager ?

 

… à plus …

 

 

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Pour en savoir plus, se reporter à la page "Le masque d'Esope";
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