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25 décembre 2014 4 25 /12 /décembre /2014 08:34
La théorie néoclassique

ou comment se faire enfumer

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La théorie économique actuellement régnante est la théorie néoclassique. Elle est présentée comme une synthèse regroupant le libéralisme et le keynésianisme. C’est elle qui préside aux patouillages actuels pour essayer de sortir de la crise, mais c’est aussi elle qui a piloté sa survenue. Ce n’est pas de très bon augure pour la suite des événements.

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Le problème des économistes est qu’ils tentent de présenter leur discipline comme une science exacte, à l’instar de la physique. Pour ce faire, ils ont besoin de mesures afin d’étayer leurs réflexions par des données solides, communicables entre eux, et pouvant entrer dans une représentation dont la logique serait inattaquable parce que faisant appel aux outils mathématiques.

Des données chiffrées en économie n’existent vraiment que par les comptabilités. Même en supposant qu’elles soient un reflet fiable pour représenter la réalité économique de l’organisme auquel elles se rapportent, elles ont l’inconvénient d’être en nombre énorme, autant que d’organismes à vocation économique, et de parler chacune le jargon propre au métier qu’elles illustrent. Par exemple, quelle parenté de comportements économiques existe-t-il sous la même appellation « vente », à part le transfert de liquidités de client à vendeur, entre la vente de frites dans une friterie, la vente de denrées dans une grande surface, la vente par correspondance sur catalogue par l’intermédiaire du web, la vente d’un bien immobilier, la vente d’un avion de ligne à une compagnie aérienne, etc. ? Imaginer qu’une addition du montant des ventes de tous les organismes d’un pays, ou relatives à une certaine catégorie d’acheteurs, suffit à rendre compte de la multitude des activités réelles différentes, chacune à connotation économique, qui s’attachent à ce simple mot ! ...

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Première question à se poser : les statistiques qui servent de base à la réflexion économique, qui agrègent au niveau macroéconomique des résultats de comportements et de ressentis absolument disparates, sont-elles qualifiées pour générer des indications pertinentes destinées aux multiples acteurs disparates qui, justement, par leur ressenti et leur comportement micro-élémentaires, font la réalité de l’économie ?

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Ce n’est qu’une première question. En voici une deuxième.

Les statistiques en question proviennent de comptabilités et, mondialisation de l’économie oblige, elles font la part belle à l’utilisation des taux de change dans leurs calculs. Ces cours des monnaies sont le résultat des cogitations de traders qui ne se soucient absolument pas de la réalité opérationnelle des activités économiques, ce n’est pas leur problème. Leur job est de peser sur ces cotes et d’en jouer pour maximiser les gains spéculatifs de leurs employeurs. Si l’on considère, comme le fait la théorie néoclassique, que le salaire et le pouvoir d’achat sont question de mérite et d’utilité collective, un plumitif quelconque dans une administration de « pays développé » a plus de dix fois le mérite et l’utilité d’un travailleur de la production industrielle dans un « pays en développement », utilisant les mêmes technologies et équipements que ses homologues des pays développés, avec des durées de travail largement supérieures et avec nettement moins d’avantages sociaux. La cote du litre de sueur économiquement utile est sans commune mesure d’un pays à un autre. Pourtant les ressentis en termes de pénibilité et d’espoirs, et donc les comportements qui en découlent, sont agrégés sans état d’âme avec des valeurs énormément différentes selon leur localisation.

Peut-on tirer de ces agrégats des indications valables, en concevoir des mesures judicieuses pour orienter les activités de centaines de millions d’acteurs répartis sur toute la planète ?

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Ce n’est pas tout, passons à la suivante.

Les statistiques portent sur des faits écoulés, elles reflètent le passé. Nous sommes dans un monde économique en mutation continuelle en fonction de phénomènes souvent imprévisibles. Les décisions économiques positives, compte tenu de l’énorme inertie du système socioéconomique, mettent des années avant de porter leur fruit, qui peut se révéler sans véritable intérêt si les circonstances ont changé. Il n’y a que les blocages opérationnels qui peuvent être rapides.

Si un conflit (ou autre événement soudain) provoque une pénurie de produits indispensables, très largement utilisés, ou un excédent qui en fait chuter le prix, mettons qu’il s’agisse des hydrocarbures, les statistiques des périodes passées sont-elles encore représentatives des réalités ?

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Il y en a encore une dernière.

Les économistes néoclassiques font passer les chiffres des statistiques à la moulinette mathématique pour en déduire des courbes, représentées par de belles équations ésotériques comprises uniquement par quelques rares personnes, qui n’ont pas forcément droit à la parole quand ils dérangent l’establishment.

Ces belles équations sont considérées comme des « lois », avec leurs sous-entendus de vérité incontestable et permanente. Néanmoins, les petits astucieux qui les connaissent expérimentalement, et particulièrement avec leurs points faibles, peuvent en tirer des indications très utiles concernant les tendances des décisions qui seront prises par les détenteurs de pouvoir, eux-mêmes conseillés par les néo-économistes bien en cour. C’est valable aussi bien pour la décision de ne rien changer, que pour celle de changer quelque chose. Les petits astucieux en question vont profiter de ce savoir pour engager des actions propres à maximiser leurs intérêts. Ce faisant, ils vont introduire dans les faits des ajouts qui n’ont pas été prévus dans le paramétrage des dites équations. Les résultats ne seront pas forcément ceux qui avaient été visés par les décideurs politiques.

De manière plus générale, il est aussi possible de dire que le système réel, modélisé par ces équations, est en permanence retouché, que les retouches génèrent des effets parasites qui nécessitent de nouvelles retouches, et ainsi de suite. Plus on le perfectionne par de nouvelles directives ou réglementations, plus elles nécessitent de nouvelles pour tenter de retrouver les belles courbes sensées représenter « la Vérité vraie ».

Pensez-vous que cette manière pseudo-scientifique d’appréhender les choses puisse aboutir de manière suffisamment fiable compte tenu de l’importance des enjeux ?

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Une cause fondamentale de notre situation de crise, peut-être même la cause dominante, est que les détenteurs de pouvoir, économistes ou politiques, enfermés dans leur bulle déformante, ne veulent connaître les réalités que par les « on-dit » illustrés par les statistiques comptables officielles. Ces constats douteux sont plaqués sur des élucubrations mathématiques approximatives qui s’empilent pour tenter de figurer une « Science ». Dans cette acrobatie, les chiffres comptables certifiés, synthétisés dans des statistiques arbitraires, sont l’unique support de la « vérité socioéconomique ».

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Les dirigeants sont englués dans la théorie néoclassique. Ils ne regardent pas dans la cuisine le feu des activités économiques, celui qui fait bouillir la marmite. Ils sont à l’extérieur à humer la fumée des chiffres qui sortent de la cheminée comptable. Sans doute escomptent-t-ils que son parfum va faire venir le Père Noël !

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C’est son jour, alors « Joyeux Noël à tous », croyants ou sceptiques.

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… à plus …

commentaires

P
J'apprécie votre blog , je me permet donc de poser un lien vers le mien .. n'hésitez pas à le visiter. <br /> <br /> Cordialement
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