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5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 09:22
Constats irrévérencieux

Des théories économiques éblouissantes aux réalités triviales

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Pour y voir clair dans les péripéties de l’économie, pour disposer d’un outil de surveillance et de décision, les dirigeants, et particulièrement les dirigeants politiques s’appuient sur la supposée science économique. Mérite-t-elle la qualification de « science » ou est-ce de l’aveuglement ?

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Deux mots reviennent automatiquement dans les commentaires des spécialistes de la question, la « macroéconomie » et la « microéconomie ». Ils sont rarement explicités, les personnes qui s’intéressent à l’économie sont censées faire la distinction.

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Disons que la macroéconomie est la pseudo-science qui tripote avec virtuosité des statistiques globales afin d’en tirer des enseignements pour l’avenir. C’est sur ses données que les dirigeants étatiques se fondent essentiellement pour orienter leurs réflexions.

Les macro-économistes s’attachent à dégager des tendances irrésistibles afin de subodorer le futur. Comme ils sont persuadés (à juste titre, c’est mathématique) que leurs calculs sont logiquement exacts, ils accordent une foi inébranlable en leurs conclusions. Les dirigeants politiques les suivent de manière moutonnière car ils leur délèguent ce genre d’exercice intellectuel trop rébarbatif pour eux.

Cette façon d’abdiquer revient à prendre pour argent comptant des indications qui peuvent être utiles comme signaux d’alarme mais sinon à regarder avec beaucoup de circonspection.

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D’abord quel degré de fiabilité, en tant que reflets des situations concrètes, peut-on accorder à des chiffres qui reposent sur des données dont on ne connaît guère la marge d’incertitude. Dans une économie mondialisée, les taux de change (manipulés) ont une influence considérable. Pour trouver des exemples, il suffit de comparer entre pays des réalités économiques concrètes équivalentes. Un travail ou un autre, tel que celui d’un manutentionnaire équipé d’un transpalette, est le même en regard de son efficacité économique immédiate (et du poids de sueur dépensée) quel que soit l’endroit où il est fourni. Ils sont équivalents quant aux résultats concrets obtenus dans une production destinée à la consommation mondiale. Pourtant, la rémunération qui s’y attache, et qui donne le pouvoir de consommation (et le droit de parler) au niveau mondial, varie facilement du simple au décuple. Que signifient alors des statistiques qui mélangent indistinctement des chiffres venant des quatre coins de la planète ?

Ensuite, les statistiques sont le reflet des périodes révolues. Les réalités sont en perpétuelle évolution et le problème des dirigeants est d’inscrire leur action dans un présent combiné au futur. Gouverner c’est prévoir dit l’adage Les tendances calculées mathématiquement à partir de données dépassées et discutables sont des actes de foi et non des vérités. Ancrer des décisions concrètes sur un éventuel taux de croissance aléatoire, qui va dépendre des dites décisions, c’est jouer au serpent qui se mord la queue.

Enfin, des novations à partir du chaos peuvent rendre brutalement caduques les anticipations les plus mathématiquement savantes. Qui dit novation dit justement impossibilité de les voir apparaître dans les tendances statistiques. Or, pour pouvoir les enfourcher judicieusement, il faut le faire le plus tôt possible, avant qu’elles aient trop remis en cause les savantes élucubrations et les fonctionnements au passé et au présent.

Pour bien gouverner Il ne faudrait pas se contenter des tendances historiques, il faudrait aussi être attentif aux péripéties mineures qui affectent constamment l’économie réelle mais qui n’apparaissent pas clairement dans les chiffres. L’économie mondiale est un chaos, elle est donc très sensible à « l’effet papillon », comme la météorologie.

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La microéconomie, quant à elle, est l’étude chiffrée des réalités du terrain, encore abordée dans une vision globalisante. Les statistiques y sont également largement utilisées mais de façon plus ciblée (en principe). Elles reposent également sur le chiffrage comptable des richesses, avec les mêmes inconvénients, cependant, elles s’adressent à des domaines d’investigation moins généraux. Les taux de change y rendent aussi les rapports avec l’économie réelle (celle des productions concrètes et des consommations y afférentes) très trompeurs quant à leur signification concrète. Elles sont cependant complétées par des considérations qualitatives ce qui permet d’en atténuer les risques sur le court terme et de focaliser les réflexions. Elle est plus réceptive à l’émergence des novations (quand les micro-économistes y sont attentifs), mais il ne faut surtout pas se limiter à la veille technologique, les mouvements d’opinion ont un grand rôle. Elle fait appel à un « homo économicus » robotisé censé représenter l’acteur économique de base en toutes circonstances.

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La microéconomie a un autre défaut, elle repose aussi sur les comptabilités, les statistiques et les formules mathématiques, alors que l’économie réelle est fondée sur les besoins et les comportements induits par le ressenti des acteurs. Elle est enfermée dans un cercle vicieux intellectuel : les besoins ne sont connus que par les productions consommées et donc les décisions de production sont fondées de fait sur les résultats des décisions de production. La géographie des besoins réels est absente.

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En conclusion de ces constats, il est inévitable que le terrain que constitue l’économie réelle ne soit qu’un champ de manœuvre pour les luttes de pouvoirs qui existent partout entre concurrents de toutes natures, tout petits ou gigantesques, quelles que soient leurs armes et leur motivation plus ou moins inconsciente.

La réflexion économique fonctionne avec des données caduques et douteuses. Elle est pilotée en regardant un rétroviseur à effet déformant. Elle progresse en conséquence comme une gigantesque foire d’empoigne, et à tâtons. Il est flagrant que, en fait, ce qu’on appelle « la science économique » n’est que le reflet d’une émergence à partir d’une énorme situation chaotique constituée des multiples ressentis et comportements des acteurs de tous niveaux. Elle se contente d’étudier les conséquences de ce foisonnement et prétend en maîtriser les causes. Elle n’est qu’un alibi pour les pilotes aux mannettes, eux-mêmes englués dans leurs aveuglements.

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Réguler, introduire une cohérence dans tout cela est réservé essentiellement à deux classes d’acteurs, les acteurs politiques et les acteurs financiers. C’est un constat de la réalité systémique. Les autres acteurs individuels doivent faire avec. Politique et finance sont censées organiser des échanges judicieux entre macroéconomie, microéconomie et économie réelle.

Ces deux disciplines spécifiques ont chacune à sa disposition, de fait et de droit, un moyen imparable de bloquer ce qui ne leur convient pas dans les péripéties de l’économie réelle. Pour la première, il s’agit de la loi et de la réglementation, pour la seconde, c’est le contrôle de la circulation des liquidités. Elles ont des moyens efficaces pour bloquer, mais aucun pour dynamiser. La dynamique de l’économie réelle n’est ni dans l’économie politique, ni dans l’économie financière. Ce sont les acteurs de base qui la font en dépit des vents politiques tourbillonnants et des marées financières, les flux et reflux du crédit.

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Chacun des deux pilotes systémiques vit dans sa bulle. Ils sont animés de motivations qui sont bien éloignées de ce que le vulgum espère plus ou moins consciemment. Ils ont naturellement acquis une façon de voir les choses adaptée à leur comportement foncier, à leur pensée unique, à ce qui régente leur bulle.

Les politiques ne songent qu’à conquérir ou conserver des statuts gratifiants, des droits régaliens de régner sur le comportement de leurs concitoyens. Ils ne raisonnent qu’en termes de conflits de pouvoir, de rivalités, d’élimination de leurs rivaux, de constitution de clubs de supporters, etc. Ce qui compte pour eux, ce n’est pas d’optimiser l’économie réelle, mais de s’en servir pour conforter leurs pratiques.

Les financiers ne songent qu’à gérer des crédits tout en récupérant toutes les liquidités qui stagnent un tant soit peu dans l’économie réelle. Leur objectif opérationnel fondamental est de gonfler leurs actifs financiers autant qu’ils arrivent à le faire. Peu leur importe les impacts sur l’économie réelle, ce n’est pas leur problème. Et peu leur importe également que leurs actifs soient artificiels, qu’ils ne reposent que sur des bases d’économie réelle ridiculement réduites.

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Chacun aussi de ces deux activistes essaie de mettre l’autre à son service pour profiter de ses pouvoirs spécifiques. Mais ils sont bien forcés de s’entendre car chacun a le pouvoir de bloquer l’autre. La théorie des jeux explique que, s’ils ne veulent pas périr ensemble dans une « étreinte fatale », ils sont obligés chacun de laisser l’autre respirer.

Les politiques, qui se sont laissé piéger par les séductions du fonctionnement à crédit, adaptent leurs réglementations aux besoins boulimiques des autres. Les financiers qui sont à la merci des législations, modèrent leur pression sur les emprunteurs étatiques impécunieux qui les morigènent. Quand l’un est en péril, l’autre essaye de lui sauver la mise : « too big to fail » fonctionne dans les deux sens.

Pour les deux, la macroéconomie et la microéconomie ne sont que des émetteurs de signaux destinés aux acteurs qui se débattent entre leurs besoins ressentis et leur capacité d’action. Ils les tourneboulent pour les égarer et essayent de les conduire là où ils auraient envie qu’ils aillent. Or, de fait, ce sont ces acteurs de base qui par leur comportement quotidien sont les vrais décideurs sur le terrain réel.

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L’économie réelle est avant tout pour les deux complices une vache à mener au pré à la baguette, et à traire : une sorte de ruminant à faire ruminer. Ceci est encore un constat.

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… à plus …

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