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22 janvier 2015 4 22 /01 /janvier /2015 09:53
Economie réelle et trous dans le gruyère

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Une équation paradoxale

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Le paradoxe du gruyère est bien connu : « Plus il y a de gruyère, plus il y a de trous – plus il y a de trous, moins il y a de gruyère – donc plus il y a de gruyère, moins il y a de gruyère ».

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La vie économique est confrontée à un paradoxe comparable. Elle comporte deux natures d’activités :

  • les activités réelles, celles qui donnent de la consistance à la consommation mondiale, celles qui produisent de quoi se nourrir (nutriments, composantes du confort, de santé, de sécurité, etc.),
  • les activités annexes, activités spéculatives, activités politiques, qui n’apportent rien de tangible à la satisfaction des besoins élémentaires mais qui ont quand même une justification statutaire.

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Plus il y a d’activités au global, plus il se constate le développement d’activités annexes. Mais plus les activités annexes se développent, plus elles consomment de ressources diverses et plus elles jouent au détriment des activités productrices de l’économie réelle qui est, rappelons-le, la pourvoyeuse unique alimentant toute l’humanité.

Certains vont même penser, par analogie fromagère, que le gruyère attire les rats et que ce sont ceux-ci qui y créent des trous, pour s’y loger confortablement.

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Vous pouvez, à juste titre, considérer que comparer les activités économiques à un vaste fromage et certains acteurs à des rats est désobligeant pour eux. Tel n’est pas mon propos. Il est de fournir un exemple simple de richesses à disposition de tous et obtenues par une pratique industrieuse de production par certains d’une part, et par ailleurs de consommation par certains autres qui ne participent pas à la production mais qui ont par ailleurs un comportement très actif. Simplement ce parallélisme tentant est illustratif.

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Il n’existe pas de gruyère sans trous. Un fromage sans trous, même s’il se révèle intéressant, n’est plus du gruyère. S’il se présente d’autres fromages pour la table conviviale, ils sont « autre chose ». Les trous sont indispensables au gruyère.

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Les activités annexes des natures précitées sont tout aussi indispensables à l’économie. Les activités spéculatives servent de ferment à la créativité, les activités politiques visent à structurer économie et société afin de permettre l’efficacité collective indispensable pour faire face aux besoins évidents d’une population de sept milliards d’individus installés sur une planète inextensible.

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Pour revenir donc aux considérations fromagères, le problème est que ce fromage attire les rats (animal par ailleurs très intelligent, social, à l’utilité démontrée pour la recherche scientifique), que ceux-ci le colonisent et le rognent jusqu’à le détruire, en se nichant dans les trous existant. Par analogie, le problème de l’économie est que les activités annexes en question, unies dans une connivence consommatrice, altèrent de plus en plus les structures mêmes de l’économie réelle au point de menacer par une crise généralisée tous les fonctionnements indispensables à son existence et finalement de la faire s’effondrer.

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Vous allez me dire que le problème a une solution, c’est une question de dosage : il faut simplement veiller à ce que le rapport entre le poids des trous et celui du fromage compact soit contrôlé pour rester à un optimum. C’est essentiellement une question de doigté professionnel et d’observation chez le fromager.

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A l’expérience, la résolution d’une équation comparable en économie apparaît impossible car elle se confronte à deux difficultés très prégnantes.

D’abord, évidemment, il est très difficile de peser les trous, même si les techniques comptables fournissent à leur égard des chiffres apparemment pertinents. On ne peut guère que compter leur nombre. Idem d’ailleurs pour les rats.

Ensuite, il est impossible de mener une observation globale et objective. Les observateurs, qui essayent d’être objectifs (quand ils sont conscients du problème), sont à l’intérieur du fromage. Ils sont plutôt logés dans les trous que noyés dans la pâte car c’est là que peut exister une amorce de perspective, néanmoins très locale. Ailleurs, dans la partie tangible, la vue est complètement masquée par les contraintes contingentes. Dans leurs trous, les observateurs sont surtout perméables aux avis de leurs co-habitants sur-actifs, c’est logique.

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Le paradoxe attribué ici à Zénon est que, malgré les similitudes, l’équation existentielle du gruyère disparaît d’elle-même lors de la consommation alors que celle de l’économie résiste encore et toujours à toutes les tentatives de résolution, également par la consommation.

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Comment pourrait-on limiter au juste raisonnable la croissance démesurée des activités annexes qui tournent au parasitisme de l’économie réelle ? Celui qui trouvera la bonne réponse mériterait bien de gagner au moins son poids en gruyère.

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PS : Honnêtement, ce billet est un peu capillo-tracté. Tant-pis, faut bien se défouler de temps en temps !

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… à plus …

commentaires

A
Le juste raisonnable s'établit de lui-même. Pour des raisons d'appétence, le fromage bien compact est devenu gruyère, utilisé pour de délicieux soufflés, qui à peine montés retombent et redeviennent compacts en refroidissant, s'ils ne sont pas consommés au plus chaud! Et le processus recommence dans les alpages montagneux, avec du lait frais et de dociles vaches que l'on trait en yodelant.
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A
Il faut bien sûr la complicité de quelques dociles poules dont le blanc d'œuf battu avec art, est constitutif de la recette.
W
vu comme ca , cela laisse a réfléchir
Répondre

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  • Ahuri par certains comportements, allergique au prêt-à-penser et narquois à l'égard du politiquement correct.

Pour en savoir plus, se reporter à la page "Le masque d'Esope";
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