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31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 10:28

atelier 1  

  L’émancipation de l’économie réelle est-elle possible ?    

 

Nous apprenons que la première borne d’échange de bitcoins vient d’être ouverte à Vancouver. Les lecteurs qui ne connaissent pas cette « monnaie » émergente trouveront facilement des informations sur le web, ou même sur le présent site < liquidités(3) >.

Est-ce la bonne fée qui, dans nos affabulations, libérerait Cendrillon de la tyrannie de sa marâtre et du lycanthrope, autrement dit qui permettrait à l’économie réelle de s’émanciper de l’obscurantisme politique despotique et de l’addiction aux séductions pathologiques de la spéculation ?

 

Les détenteurs de statuts, maîtrisant les budgets, et les manipulateurs financiers, maîtrisant le crédit, mènent le jeu en maintenant l’économie prisonnière à la fois des flux monétaires, des exigences technologiques de productions tous azimuts, et des ressources disponibles. Leur dictature repose sur une gestion conjointe forcée (à défaut d’être harmonieuse), des monnaies. Les banques centrales et les prélèvements autoritaires se situant d’une part, les bourses et les comptes courants de l’autre.

 

Le Bitcoin est une monnaie qui échappe totalement à l’un comme à l’autre. C’est simplement la mise en application d’un algorithme informatique qui n’a rien de secret, par l’intermédiaire du web et des ordinateurs des utilisateurs de cette monnaie. Ce sont eux les seuls acteurs et ils interviennent individuellement, selon leurs critères d’appréciation personnelle, afin de procéder à des échanges de bitcoins  contre ce qu’ils veulent échanger. C’est une simple commodité pour des transactions de gré à gré.

Naturellement, il est possible d’échanger une quantité donnée d’une monnaie quelconque, des dollars par exemple, contre des bitcoins, ce qui leur confère un cours de change factuel. Celui-ci est assez erratique mais ce qui est significatif, c’est que ni les dirigeants politiques, ni les dirigeants économiques n’ont d’outil systémique pour le réguler. La création de bitcoins est automatique, selon une loi parfaitement connue. Le crédit ne peut s’appliquer qu’en utilisant une épargne préalable. Dans ce cas, les créances ne sont pas de la pseudo- monnaie, mais des contrats de droit privé entre un prêteur identifié et un emprunteur identifié qui doit fournir une prestation précise en contrepartie et le risque de défaut n’est pas systémique, il est individuel et pris consciemment de part et d’autre.

 

Nous pouvons noter que cette monnaie, en soi, n’a aucune valeur, ce n’est que de l’information qui transite entre le compte de l’acheteur et celui du vendeur. Le niveau du compte reflète un pouvoir d’échange. L’acheteur utilise ce pouvoir en fonction de son besoin d’achat fondé sur une espérance de valeur d’usage de l’objet de la transaction. Le vendeur accepte ou n’accepte pas l’offre de bitcoins selon la valeur d’usage qu’il lui accorde en tant que pouvoir d’acquisition. Nous retrouvons ici la réalité objective de n’importe quelle monnaie.

 

Ne maîtrisant plus ni les bourses, ni le crédit, les financiers deviennent impuissants par rapport à ce phénomène.

La gouvernance étatique est, elle aussi, très démunie. Elle peut décréter l’usage du Bitcoin illégal, mais n’a guère les moyens de faire appliquer ce genre de prohibition. Elle peut aussi officialiser cette nouvelle monnaie pour pouvoir imposer son suivi comptable dans les organismes, afin de pouvoir taxer les transactions professionnelles, mais cela laisse le champ ouvert à tous les autres échanges. Avec des bitcoins, même s’ils sont détectables, ils sont aussi incontrôlables que les échanges en espèces. Dans tous les cas une banque centrale aux ordres de la gouvernance ne pourra pas intervenir factuellement dans le jeu.

 

La généralisation du Bitcoin, ou la multiplication de formules comparables, serait-elle le moyen de rendre à l’économie réelle plus maîtresse du jeu économique afin d’obtenir une bonne adéquation entre besoins, production et intérêts collectifs à terme ?

 

Déjà, il est à remarquer qu’un des principaux domaines de l’utilisation de cet artefact s’est avéré être le trafic de stupéfiants et le blanchissement d’argent sale. Comme avancée vers un progrès économique, ce n’est pas de très bon augure.

Ensuite, les besoins en liquidités de l’économie réelle sont très dépendants de différents phénomènes tels que les développements technologiques, la croissance démographique, l’épargne, les besoins d’investissement, les saisonnalités, etc. Définir a priori un algorithme de croissance de la masse monétaire valable indéfiniment est une gageure.

La formule de création monétaire adoptée en l’occurrence est très prudente et conduit à une stagnation à prochain terme. A priori, cela voue le Bitcoin à devenir un support spéculatif plutôt qu’un outil de fluidité commerciale. Ses écarts de change en font une matière première docile pour exploiter des manipulations d’opinion dans des sens intéressants pour les manipulateurs, en alternant euphories et paniques, stockages et lâchages progressifs de vannes.

Son fonctionnement est, semble-t-il, sécurisé par la sophistication des cryptages, mais l’imagination des crocheteurs de serrures et fabricants de fausse monnaie est grande. L’escroquerie informatique est en pleine croissance, alors, à quand la faille ?

Enfin, la puissance de réseau nécessaire pour une généralisation de ce type système à toutes les transactions de toute le planète est-elle réellement possible à assurer ?

 

Avec le Bitcoin ou d’autres outils comparables, les dérives de l’économie réelles qui la font régulièrement se diriger vers des développements créant à l’humanité plus de problèmes qu’ils n’en résolvent, alors que leur axe central est braqué semble-t-il dans une bonne direction, ne tiennent pas à des causes d’origine systémique : elles tiennent à la pesanteur des actions-reflexes de l’être humain. Le primitif chasseur-cueilleur social, consommateur compulsif, à courte vue et engagé dans des luttes de préséance au sein de son microcosme, vient régulièrement faire la nique à la déesse Raison qu’il prétend incarner et dont il est incapable de préciser les attributs et les contours. Tous les outils systémiques imaginés et mis en place dans une perspective de progrès sont régulièrement détournés dans des intérêts très particuliers et, s’ils procurent quelques pépites, ils génèrent aussi des scories. L’économie réelle est continuellement engorgée par des pratiques et des productions difficilement justifiables par la Raison, ou ce que l’on prétend en savoir car elle se cache bien derrière les discours.

     
Ce type d’outil fait-il progresser vers de meilleurs équilibres conjoints des intérêts collectifs et des intérêts individuels ? Offre-t-il une meilleure connaissance de la globalité des besoins et de la globalité des productions quand nous ne regardons les besoins qu’au travers des productions qui leur sont consacrées ? Permet-il de mieux répartir la perception du « mérite » qui impacte le sentiment individuel (et en partie inné) de justice, et qui est le facteur fondamentale des fractures sociales ? Offre-t-il des pistes pour assurer un développement durable ?

 

Cendrillon n’a pas fini d’être mal dans sa peau.

 

à plus …

commentaires

A
<br /> Quoi qu’en aurait dit Malraux, le 21ème siècle sera ! Mais sera-t-il soucieux de spiritualité ou de surcroît ? Pour le moment, il se soucie<br /> encore beaucoup de surcroît et d’une spiritualité intolérante encore très typiques de la condition humaine des siècles passés.<br />
Répondre
A
<br /> La vie est un conte plein de bruits et de fureur pour celui qui, comme Macbeth, écoute les trois sorcières, celle des ténèbres, du chaos et du conflit quand elles<br /> lui parlent de ses besoins et de ses ambitions terrestres.<br /> <br /> <br /> La quête du Graal consiste-t-elle à remplir équitablement de richesses matérielles la coupe des humains ?<br /> <br /> <br /> « Regardez<br /> les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n'amassent rien dans des greniers; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus<br /> qu'eux ? »<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Quand l’humanité se souciera moins de la satisfaction de ses besoins économiques et de la distribution de ses richesses, tout cela lui sera sans doute donné par<br /> surcroît…<br />
Répondre
E
<br /> <br /> Que contient le Graal, sinon l’essence suprême de la spiritualité ?<br /> <br /> <br /> D'ailleurs rien n’interdit de rêver. « Le 21ème siècle sera spirituel ou ne sera pas » aurait dit<br /> Malraux, un penseur très libre autant que je puisse en juger, et qui connaissait bien la condition humaine.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> « La raison d’être de l’économie est d’assurer la satisfaction des besoins objectifs de l’humanité. Elle<br /> crée des richesses et les distribue à des usagers. Les richesses sont échangées contre des liquidités et vice-versa… »<br /> <br /> <br /> La raison d’être de l’économie dépend des acteurs économiques : ceux qui achètent, vendent, produisent,<br /> innovent, consomment, règlementent et spéculent.<br /> <br /> <br /> Sommes-nous sûrs que tout ceux-là ont vraiment pour raison d’être « d’assurer la satisfaction des<br /> besoins objectifs de l’humanité » ou de « distribuer des richesses à des usagers » ?<br /> <br /> <br /> En pratique, chacun ne cherche-t-il pas surtout son intérêt, que cela aboutisse à un bel équilibre régulateur de<br /> marché ou non ?<br /> <br /> <br /> La raison d’être de l’économie, n’est–elle pas d’assurer la satisfaction des besoins objectifs des ses acteurs<br /> les plus influents, forts, intelligents ou efficaces, sans que les acteurs moins efficients ne s’en rendent trop compte, parce qu’ils survivent plus ou moins agréablement avec leur petite<br /> part ?<br /> <br /> <br /> La dérive de l’économie réelle n’est peut-être que le cap que la déesse Raison donne aux besoins objectifs d’une<br /> abstraction telle que « l’humanité » ou d’un personnage de conte tel que Cendrillon.<br /> <br /> <br /> Et la raison d’être de manipulateurs de concepts humanistes abstraits ne serait-elle pas de faire croire à la<br /> raison d’être d’une économie humaniste ?<br /> <br /> <br /> Et si l’économie n'était que l’envers concret de notre humanisme abstrait?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Un « humanisme économique » ne serait alors que le soleil noir de nos Bitcoins ou autres outils<br /> comparables…<br />
Répondre
E
<br /> <br /> « La vie est un conte plein de bruit et de fureur, raconté par un sot … »<br /> <br /> <br /> J’ai déjà lu cela quelque part …<br /> <br /> <br /> L'humanisme économique s'apparente peut-être à la quête du Graal, il ne mobilise que des rêveurs.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />

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  • Ahuri par certains comportements, allergique au prêt-à-penser et narquois à l'égard du politiquement correct.

Pour en savoir plus, se reporter à la page "Le masque d'Esope";
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