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7 novembre 2013 4 07 /11 /novembre /2013 11:42

galere 

Production, agitation, nuisance ?

 

L’économie réelle a une vocation utilitaire. Elle vise à satisfaire des besoins. Ceux-ci sont des besoins humains, banals s’ils sont largement partagés, dont la satisfaction se prouve par le ressenti procuré au moment de la consommation de la richesse produite et utilisée à cette fin. L’utilité réelle n’est pas une affaire de réglementation en haut lieu, surtout si les seules motivations en sont politiques ou spéculatives. Elle est sur le terrain, au ras des pâquerettes, c’est à ce niveau qu’elle s’apprécie, par le degré de satisfaction des utilisateurs. 

 

Plongeons donc à ce niveau, en décortiquant un cas banal parmi des centaines de milliers d’autres. Le scénario va se dérouler dans une petite ville-dortoir banale de la grande banlieue, au voisinage d’une gare banale de chemin de fer.

 

Le maire est confronté aux récriminations des commerçants du quartier de la gare. Ils se plaignent que toutes leurs rues sont encombrées durant toute la journée par les voitures des banlieusards des communes environnantes, qui viennent prendre leur train pour la capitale. Leurs approvisionnements sont perturbés, les clients ne peuvent pas accéder facilement à leurs boutiques et la crise générale n’arrange pas leurs affaires. Ils se posent des questions sur leur avenir.

Préoccupé par la prospérité de sa ville et les prochaines municipales, le maire met le sujet en débat au conseil municipal, où siègent plusieurs commerçants, avec comme question posée celle de l’opportunité d’instaurer un stationnement payant dans le centre-ville. L’idée semble bonne sous réserve que la première demi-heure soit gratuite mais que le tarif soit suffisamment dissuasif pour les stationnements de plus de deux heures. Les écologistes y voient un intérêt supplémentaire de protection contre les nuisances des automobiles, et ils posent comme condition à leur accord l’ajout d’un abri-stationnement pour les bicyclettes près de la gare, ce qui est accepté.

Soucieux de participer à la relance de la croissance nationale et à la lutte contre le chômage, le maire songe également à renforcer, grâce aux bénéfices de l’opération, la petite équipe de policiers municipaux, une nécessité pour faire respecter les règles de stationnement.

 

Après les nombreuses concertations préalables qui s’ensuivent nécessairement, où tous les échelons administratifs du département apportent leur grain de sel, en passant par la Préfecture, le Conseil Général, les services du Patrimoine et des Bâtiments Historiques (un lavoir ancien et classé se trouvant dans le périmètre concerné), etc., après les études d’impact écologique, après les dépouillements d’appels d’offre pour les travaux et les équipements, après la souscription à un emprunt (la ville n’étant pas trop endettée) pour financer l’opération, après donc la mobilisation de nombreuses heures de travail présumé productif, l’opération est effectuée. Entre temps, la crise s’est développée et plusieurs commerces ont fermé.

 

A la suite de cette opération énergique (c.à.d. consommant une quantité notable d’énergies diverses)  que va-t-on probablement constater ?

 

-      Le mécontentement traditionnel des grincheux qui sont, par principe, opposés à tout ce qui change un peu leurs routines, quoi que l’on fasse.

 

-      Une désertion probable de nombreux usagers habituels des stationnements en question. Certains iront se garer plus loin et auront plus de trajet à faire à pied. D’autres iront prendre le train à une autre gare un peu plus lointaine. D’autres iront en voiture jusqu’à leur destination finale.

D’autres enfin accepteront en maugréant de payer cher le maintien de leurs pratiques habituelles.

Tous ressentiront une baisse de leur confort de vie et/ou une perte significative de leur pouvoir d’achat.

Les quelques courageux qui laisseront leur vélo à la gare se lasseront rapidement en raison des vols et des détériorations banales.

 

Pour autant, le commerce dans la ville se portera-t-il mieux ?

C’est très douteux. Il est possible que quelques clients locaux fassent une halte dans un de leurs trajets en voiture pour un approvisionnement de dernière minute, mais ce n’est pas pour autant que les habitants des communes proches se précipiteront dans les boutiques du centre ville. Ils ont leurs habitudes dans la grande zone commerciale voisine, dans les commerces de la capitale ou dans leur propre commune s’il y subsiste des points de distribution pour les produits de consommation courante. Si marasme commercial il-y-a dans les petits commerces, ce n’est pas dû, sauf exception, aux difficultés de stationnement mais aux évolutions de la distribution et à la crise générale.

En fait, il risque de se produire plutôt une accélération des difficultés car les usagers de la gare qui avaient pris l’habitude de procéder à des emplettes de dernière minute vont faire défaut.

 

Les recettes dégagées vont-elles permettre de financer des postes supplémentaires pour diminuer le chômage ?

N’ayant pas d’éléments de réponse suffisants à cette question, je m’abstiendrai. Par contre, nous pouvons considérer qu’il faut non seulement financer la travail de policiers municipaux, mais aussi des agents administratifs, comptables ou autres, qui auront à gérer les composantes de la situation, et logiquement couvrir aussi leurs frais en usage de moyens de travail. Logiquement aussi, le travail des instances consultatives sollicitées au départ de l’opération devra être financé indirectement et il devrait être pris en compte. Et puis il faut aussi prendre en considération les frais de fonctionnement et d’entretien des équipements nécessités pour taxer le stationnement.

Il faudra aussi couvrir les frais de remboursement des crédits. Le principal aura servi à financer les travaux d’installation, avec un effet positif momentané sur l’emploi dans les entreprises sollicitées, sur les dividendes versés à leurs propriétaires, et sur les taxes perçues au passage. Selon la part de valeur importée ou locale, ces répercussions seront plus ou moins externalisées.

Les intérêts financeront essentiellement des pratiques spéculatives.

La baisse de pouvoir d’achat supportée par les usagers de la gare sera répercutée sur leur consommation, donc sur les producteurs et distributeurs qui l’alimentent, avec un effet pervers par rapport aux problèmes de chômage un peu partout. Là aussi les effets négatifs seront diffus et en partie internationalisés en raison des intrications de l’économie.

 

Les bilans, tant financier que social, seront-ils équilibrés ? Le chômage aura-t-il été globalement combattu ? L’opération sera-telle politiquement fructueuse ? En vérité, tout cela semble terriblement douteux.

Globalement, l’opération consiste à pomper des liquidités dans le poches de certains, pour les distribuer à d’autres, tout en consommant des ressources naturelles pour installer et faire fonctionner des équipements que personne ne demandait et créer durablement de l’agitation supplémentaire : tout cela pour ne rien régler au problème initial et compliquer la vie des citoyens ordinaires !

 

Peut-on espérer un micro-coup-de-pouce au PIB, autrement dit à la croissance comptable ? Ce n’est pas exclu si les financiers qui sont derrière toute cette opération, afin de gérer les flux supplémentaires de liquidités ainsi mis en mouvement, en tirent profit pour gonfler leurs actifs comptables et fragiliser un peu plus leur bulle.

Alors, production, gesticulation, nuisance, comment qualifier une telle opération ?

En fait, comme support d’une prétendue croissance, cela me semble s’apparenter à celle de métastases (ce blog s’attachant à égratigner la pensée unique, toutes les occasions de le faire sont bonnes à prendre).

 

Comme souvent, les instances dirigeantes, raisonnant sur des considérations de nature politique sont passées à côté du problème et n’y ont apporté aucune solution satisfaisante.

Si le stationnement offert est insuffisant aux abords de la gare, si c’est vraiment là en l’occurrence la source des problèmes du « petit commerce », c’est par la création de nouvelles places de parking à prix très abordable qu’ils auraient pu être traités.

 

Sur le plan local, au ras du terrain, de multiples erreurs de raisonnement sont ainsi commises concernant l’utilité de mesures engagées à grands frais, par absence de vision globale et d’appréciation multidimensionnelle des réalités. Alors, qu’en est-il des décisions de gouvernance étatique, dans un microcosme farci de préjugés, de sectarisme, de clanisme, et envenimé par les ambitions personnelles ?

Dans la gouvernance des grands organismes de statut privé, ce n’est guère mieux, j’y reviendrai.

 

Notre économie réelle est bien mal barrée !

 

à plus …

commentaires

A
<br /> La « bonne » économie , soucieuse de la grande majorité de ses usagers inactifs ou de ses agents subalternes existe-t-elle<br /> vraiment, ou existera-t-elle un jour ? Ou n’existe-t-il et n’existera-t-il jamais qu’une « mauvaise » économie fonctionnant essentiellement dans l’intérêt de la minorité de ses<br /> agents les plus actifs ou de ses dirigeants ?<br />
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E
<br /> <br /> Nous ne sommes pas dans un univers binaire !<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Si le début à tout dépend des urnes, y aura-t-il jamais suffisamment d’électeurs ayant atteint le niveau de l’accomplissement requis pour<br /> nous choisir des élites exemplaires ?<br />
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A
<br /> Il ne s’agit donc pas que d’observation irrévérencieuse, il s’agit aussi de convaincre par l’exemple d’atteindre les niveaux d’ordre<br /> supérieur, en particulier l’étage de l’accomplissement, en utilisant les échelles de désenlisement.<br /> <br /> <br /> La démocratie n’est pas conçue pour nous donner des élites exemplaires. Elle est conçue pour mettre au pouvoir des représentants élus par<br /> chacun d’entre nous. Et peu d’entre nous se soucient d’exemplarité dans le choix de ses représentants. En pratique, nous nous soucions surtout d’élire des représentants à notre image et à notre<br /> ressemblance, c'est-à-dire souvent des modèles assez courants.<br /> <br /> <br /> Devrons-nous attendre d’avoir tous atteint individuellement les niveaux d’ordre supérieurs pour avoir les élites exemplaires dont nous avons<br /> besoin ?<br />
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E
<br /> <br /> Excellente question !<br /> <br /> <br /> Pour ceux qui se la posent, c’est au moment de mettre son bulletin dans l’urne qu’il s’agit de choisir la moins mauvaise réponse.<br /> Il faut un début à tout.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Si le domaine économie réelle est utilitaire et se limite aux besoins basiques largement partagés, dont la valeur peut s’exprimer en monnaie,<br /> consommables, s’annulant par sa consommation, nous appelons le domaine des besoins supérieurs largement partagés, du moins dès que les besoins basiques sont satisfaits, dont la valeur peut<br /> s’exprimer en monnaie ou en crédit, accumulables ou dilapidables, et dont la valeur peut se multiplier ou se diviser, l’économie irréelle ou spéculative.<br /> <br /> <br /> Cette dernière sera acceptable pour nous constituer une petite épargne ou une petite pension pour nos vieux jours, ou même pour l’acquisition<br /> de quelques objets ou moyens de prestige modeste…<br /> <br /> <br /> Mais qu’en ferons-nous quand cette économie irréelle sera utilisée par des états, des collectivités, des entreprises ou des particuliers pour<br /> des raisons d’intérêt, de prestige, de pouvoir, d’estime, de suprématie, ou de réalisation de soi généraux, collectifs, industriels, commerciaux, financiers ou privés.<br /> <br /> <br /> Qui ou qu’est ce qui va tracer les limites ? L’émotionnel, le rationnel, ou le spirituel ?<br /> <br /> <br /> Existe-t-il, ou existera-t-il un jour, un pouvoir légal ou moral qui serait accepté universellement ou au moins par une<br /> majorité ?<br />
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E
<br /> <br /> Les trois composantes essentielles de la dynamique du système socioéconomique sont la thésaurisation<br /> de propriétés, la recherche de pouvoir politique et la recherche de consommations toujours plus excitantes. Elles peuvent être exploitées de manière combinée. Le développement du système en a enrichi considérablement les performances.<br /> <br /> <br /> Quand elles sont développées sans retenue, elles mènent respectivement à l’accaparement sans limite, au narcissisme tyrannique<br /> exacerbé et à la boulimie toujours plus exigeante. Ces trois dérives correspondent à un enlisement définitif dans le niveau  quatre de Maslow, la<br /> distinction, où il est toujours possible de vouloir plus et où la concurrence triomphe. Certains s’y complaisent, pour ne pas dire s’y vautrent.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Pour atteindre les besoins d’ordre supérieur, l’étage de l’accomplissement, il faut parcourir les étages inférieurs en passant<br /> chaque fois au niveau de dessus dès que cela est possible. Diogène est sans doute le modèle le plus emblématique à cet égard.<br /> <br /> <br /> La philosophie, l’art, la religion, la recherche scientifique, l’intérêt porté aux autres, etc., sont autant d’échelles pour<br /> s’extraire des enlisements dans le système.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> La surexploitation des besoins d’appartenance et de distinction cantonne ceux qui ne peuvent pas y accéder à la satisfaction de<br /> leurs besoins élémentaires par les moyens les plus minimalistes. Elle génère des frustrations contagieuses en raison de la médiatisation de tout ce qui attise les curiosités et les envies,<br /> mimétisme oblige, en surexploitant de manière systémique l’émotionnel. Elle conduit aussi à une surexploitation corrélative des ressources naturelles. Il y a de quoi s’inquiéter des<br /> conséquences de tout cela.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Est-ce affaire d’émotionnel, de rationnel, de spirituel ? Tous les trois ont leur place à tenir mais il faut arriver à les<br /> discipliner (comme les besoins) car l’émotionnel a tendance à étouffer le rationnel qui a lui-même tendance à étouffer les spirituel. Ce n’est pas une affaire de pouvoir légal ou moral, c’est une<br /> affaire de prise de conscience individuelle. Certains y arrivent mais le mimétisme à leur égard n’est guère aidé par le système.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Il n’y a que trois façons de convaincre, l’exemplarité, l’exemplarité et l’exemplarité. La démocratie est censée nous donner les<br /> élites exemplaires dont nous avons besoin. S’il était encore en vie, Diogène promènerait sa lanterne pour en chercher de valables.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Demander à un être encore très émotionnel qui vient d’entrer, par décret de Malraux, dans le siècle du spirituel, après quelques siècles<br /> soi-disant voués à la Raison, un comportement rationnel dans un espace multidimensionnel où s’expriment et se satisfont ses besoins les plus primaires, est-ce le bon<br /> raisonnement ?<br /> <br /> <br /> L’Economie ne serait-elle pas, comme l’Amour, la Religion ou l’Art, le domaine où l’homme peut exprimer ses besoins fondamentaux et de<br /> transcendance, ses passions, ses dépressions, ses inflations et ses spéculations… ?<br />
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