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26 novembre 2013 2 26 /11 /novembre /2013 16:59

porte-monnaie

La dimension utilité

 

Dans l’économie réelle, les multiples activités rétribuées ont pour motivation d’avoir une utilité, autrement dit de satisfaire un besoin. C’est cette satisfaction qui justifie les dépenses de ressources et de temps humain qui leur sont consacrées. La circulation monétaire, les flux de liquidités qui les accompagnent n’ont qu’une fonction systémique, c'est-à-dire ne servent qu’à faciliter les échanges de propriété que requièrent ces activités et qui ne peuvent être effectués par des opérations de troc élémentaire.

 

Cette simple constatation permet déjà de constater que les activités à prendre en compte dans une réflexion économique ne devraient pas se limiter à celles qui déclenchent un jeu monétaire, mais que le troc factuel a aussi sa place. De multiples activités considérées comme bénévoles jouent un rôle considérable, à commencer par tous les services effectués dans le cadre familial ou associatif. Si les activités ménagères, par exemple, étaient comptabilisées sur la base du SMIC, elles correspondraient à une production intérieure brute considérable. Or elles déterminent qualitativement et quantitativement une part importante des consommations donc elles conditionnent de manière importante les « productions réelles » comptabilisées.

 

L’exemple précédent du parking payant permettait de jeter un doute sur le bien fondé de la vision utilitaire qui préside dans les organes décisionnaires. Sur la base d’un autre exemple, nous allons explorer un autre aspect des choses, la dynamique factuelle du développement de l’économie réelle. Du moins nous allons remettre en cause la manière dont elle est perçue dans les organes décisionnaires, de façon comptable, autrement dit de manière complètement déformée.

 

Pour rester sexuellement neutre (respectueux du politiquement correct) prenons le cas de deux voisin(e)s dont la(le) conjoint(e) dispose d’un revenu suffisant pour les besoins du couple. Eux(elles) se chargent des tâches domestiques. Compte tenu de leur goûts et compétences différents, ils échangent des services et ont développé entre eux(elles) tout un ensemble de trocs élémentaires pour les multiples activités parcellaires nécessitées par la vie courante : garde d’enfants, surveillance des devoirs, covoiturage pour l’école ou les activités extrascolaires, cuisine, repassage, jardinage, dépannages en plomberie, électricité, etc. Chacun(e) trouve sa convenance à ce modus vivendi et les deux familles disposent ainsi de nombreux services qui leurs sont nécessaires à un niveau basique.

Chacun de ces services pourrait être effectué à titre onéreux, mais pourquoi faire compliqué et être obligé de comptabiliser la moindre activité élémentaire quand des parties gagnant-gagnant peuvent être ainsi jouées ?

C’est d’ailleurs ainsi que fonctionnaient les solidarités de voisinage, en particulier dans les petites communes rurales, quand les gens savaient à peine lire et compter, et encore moins comprendre les subtilités de la comptabilité en partie double.

 

Pour des raisons subconscientes, probablement de jalousie malveillante de la part des multiples envieux chroniques qui veulent tout avoir des autres en échange d’une une contrepartie minimaliste, ce genre de fonctionnement est réputé archaïque. Les individus sont légion qui considèrent a priori les « autres » comme des rivaux, à pigeonner si possible, et mesurent leurs apports à la collectivité au minimum légalement obligatoire. Ils pèsent très lourd dans les scrutins, ils font et défont les majorités au pouvoir, et ils s’exaspèrent que d’autres tissent des relations cordiales et sans mesquinerie avec leur voisinage. Ce genre de clients est un terrain de choix pour ceux qui veulent faire carrière politique, afin de trouver des supporters aisés à manœuvrer.

Au nom de la déesse Raison bien orientée, qui demande de tout peser pour être sûr d’avoir au minimum son dû (à la mesure de son prétendu mérite), ne pas chiffrer ses propres prestations est une hérésie.  La « Tendance Raisonnable » étant naturellement d’éradiquer toute hérésie, tout le potentiel de marchandisage qu’offre l’économie naturelle est donc mis en exploitation par les pouvoirs politiques, encouragés par les pouvoirs financiers qui y trouvent leur intérêt bien compris.

On en vient même en haut lieu à proposer de chiffrer le loyer que ne se paie pas le propriétaire de son logement principal, afin de pouvoir le taxer, alors que, généralement, il doit trimer pour économiser, malgré ses impôts, afin de rembourser ses emprunts immobiliers et/ou faire effectuer les travaux d’entretien indispensable du dit logement. L’intégrisme comptable à vocation politique n’a pas de limite !

C’est une lourde tendance de fond dans la dynamique de prolifération des dispositions systémiques, et elle passe complètement inaperçue tant elle est masquée sous des couches superposées (et souvent contradictoires) de considérations à courte vue.

 

Plutôt que de responsabiliser les acteurs, il est en effet beaucoup plus efficace politiquement de les déresponsabiliser, de les orienter vers les considérations artificielles afin de leur faire perdre de vue la réalité individuelle et collective des choses, et au passage, leur véritable intérêt à moyen ou long terme. Les manipulateurs politiques peuvent ainsi récupérer un maximum de pouvoir, pour mener les réalités dans le sens de leurs intérêts à eux. C’est ainsi que s’installe le règne de « l’Etat Providence » qui veille à tout, ou du moins qui essaie de créer cette illusion. La notion de responsabilité sociale individuelle est un chef d’œuvre en péril perpétuel.

En fait, ce comportement général des dirigeants politiques est complètement inconscient, il est du domaine des réflexes associés à la fonction. Le fait de transformer le troc en échange marchand provoque une croissance du PIB comptable donc acquiert toutes les vertus. La production ne change pas, la consommation non plus, mais les flux des richesses invisibles mais réelles se révèlent. C’est de la croissance purement artificielle mais qui permet aux gouvernements de plastronner et d’actionner la pompe à phynance.

 

En conséquence il s’est installé, en particulier chez nous, une tendance lourde à expurger de la vie économique les échanges non marchands, et à imposer un suivi comptable dans tous les domaines de production de biens ou et services consommables.

Sous prétexte de qualité et d’Egalité, sans souci de la Liberté ni de la Fraternité, tous les moyens de légiférer sont utilisés : normes à appliquer aveuglément même si elles sont absurdes en l’occurrence, principe de précaution, récupération sous différents prétextes des activités d’autoconsommation collective et attribution à des organismes ad hoc (et contrôlables en tant que tels), titrisation des droits portant sur les propriétés immatérielles afin d’en pister tous les cheminements, etc.

 

Pour autant, la qualité des prestations a-t-elle progressé ? Ne serait-il-pas préférable de miser le sens de la responsabilité sociale, donc sur la conscience que chacun devrait avoir de la qualité de l’œuvre qu’il effectue et de l’image qui en est perçue par les bénéficiaires ?

Cette orientation donnée aux activités utiles est la porte ouverte à la dépersonnalisation, et à la tentation de tricher sur la qualité. La seule règle de conduite devient le « pas vu pas pris » ce qui impose une multiplication des organismes de contrôle mais qui n’en demeurent pas moins des passoires.

C’est aussi la raison de certains désintérêts envers les « métiers », le savoir-faire, la compétence : puisque seule compte la contrepartie financière, la qualité n’est plus que caprice des clients finals « qui ne sont bons qu’à récriminer », surtout quand ils demeurent inconnus du fait de la parcellisation du travail.

 

Bien sûr, cela a pour certains une utilité immense : la mise en place de flux financiers officialisés et comptabilisés permet d’instaurer les taxes et les prélèvements nécessaires à la multiplication des agents du pouvoir public, au service des intérêts politiques de leurs dirigeants actuels et futurs. Est réellement utile à l’individu lambda ?

 

Pour en revenir à nos protagonistes initiaux, le fait d’avoir un statut officiel d’ « agent polyvalent d’intervention domestique », non seulement leur imposera de tenir une  comptabilité de tous leurs échanges de monnaie, mais d’en faire la déclaration au fisc, de payer les taxes impôts et prélèvements divers. Pour retrouver leur pouvoir d’achat antérieur, ils devront trouver d’autres sources de revenus. Etonnez-vous de l’existence du « travail au noir » !

Au passage, nous pouvons noter que la possibilité qu’ont certains professionnels de « travailler au noir » est un critère intéressant pour distinguer les métiers vraiment utiles.

 

Bien sûr, cet exemple est un schéma très simplifié, les protagonistes sont multiples et moins ils se côtoient, moins les possibilités de troc existent. Dans certains cas, Internet pourrait offrir un recours et si le Bitcoin n’est pas l’outil idéal, peut-être est-il possible de trouver d’autres formes de supports intermédiaires de troc. Le marchandisage est déjà imposé par la mondialisation mais il n’est pas indispensable de la cultiver avec zèle.

 

Toujours est-il que ce marchandisage de toutes les activités implique non seulement des dispositions systémiques mais aussi des ressources, dont des ressources humaines, pour les mettre en œuvre. Il faut multiplier les « métiers systémiques », c’est à dire les activités qui ont pour seule utilité de supporter une prolifération exponentielle de la complexité du système, dans le but inavoué de favoriser les prises de pouvoir politique et financier.

Doit-on en l’occurrence parler de « production » ou  d’ « occupations rétribuées  par le moyen de prélèvements forcés », qui obligent les acteurs de « la vraie économie utile » de travailler toujours plus pour s’en sortir, et bénéficier eux-mêmes un peu, malgré tout, des richesses consommables qu’ils procurent à la collectivité.

 

Les multiples manifestations actuelles de travailleurs en colère ne sont que l’expression d’un ras-le-bol généralisé de producteurs réellement utiles confronté au grignotage continuel de leur qualité de vie par des prélèvements destinés à alimenter des titulaires de revenus dont l’utilité perceptible n’est que de favoriser l’emprise sur l’économie réelle, toujours plus pesante, des acteurs politiques et financiers dans leur seul intérêt.

 

Le paradoxe est que certains observateurs s’en étonnent. Quand ouvriront-ils les yeux ?

 

Nota : Ce billet offre une vision des choses très brutalement manichéenne, mais pour éclairer l’environnement hypercomplexe où nous sommes engagés, il faut aussi braquer le projecteur sur les phénomènes qui ne sont jamais relevés, qui prolifèrent insidieusement, et dont les conséquences sont loin d’être anodines.

 

à plus …

commentaires

A
<br /> Taxer l’usage<br /> d’une habitation pour satisfaire des besoins de consommations publiques, ou profiter d’une pénurie de parkings pour dépenser en agitations politiques qui ne résoudront pas le problème de parking,<br /> font donc partie de l’économie réelle.<br /> <br /> <br /> Ce sont les<br /> activités spéculatives sans lien avec une consommation de biens ou de services qui font alors partie de l’économie irréelle, non que ce type d’économie ne se pratique pas dans la réalité, mais<br /> parce qu’elle ne correspond pas à la définition de l’économie réelle.<br /> <br /> <br /> Comment faire<br /> alors pour orienter les activités politiques davantage vers l’économie réelle utile telle que nous la percevons, pour limiter ou supprimer les activités spéculatives qui ne nous profitent en<br /> rien, et pour éviter les « fractures sociales globalement dommageables et perturbatrices pour l’économie réelle » ?<br />
Répondre
A
<br /> Nous aimerions tous que<br /> la réalité corresponde à notre vision du monde. Pour la majorité d’entre nous, ce n’est pas toujours le cas.<br /> <br /> <br /> Alors nous définissons<br /> comme réel ce qui devrait l’être.<br /> <br /> <br /> L’« économie<br /> réelle » définie comme celle qui satisferait en priorité les besoins de base utiles à l’individu lambda, n’est pas toujours du domaine de la réalité économique.<br /> <br /> <br /> Le paradoxe qui voudrait<br /> que l’économie réelle ne soit pas l’économie réelle mais devrait l’être, n’est-il pas trop paradoxal pour l’individu lambda ?<br /> <br /> <br /> L’« économie<br /> réelle » définie comme celle qui satisfait en priorité les besoins dont « l’utilité perceptible n’est que de favoriser l’emprise sur l’économie, toujours plus pesante, des acteurs politiques et financiers dans leur seul intérêt » correspond mieux<br /> à la réalité économique.<br /> <br /> <br /> L’économie réelle est<br /> celle qui existe dans la réalité, c'est-à-dire une économie qui bénéficie en priorité aux agents économiques les plus actifs et les plus influents et moins à ses usagers et au plus grand<br /> nombre.<br /> <br /> <br /> A partir de cette<br /> réalité, comment parvenir à ce que l’économie réelle bénéficie réellement en priorité au citoyen lambda, sachant que celui-ci détient le pouvoir d’élire les plus influents sans pourtant obtenir,<br /> jusqu’à présent, que ces derniers satisfassent en priorité les besoins de base utiles à l’électeur moyen ?<br /> <br /> <br /> « Les multiples manifestations actuelles de travailleurs en colère », ou offrir une « vision des choses très brutalement manichéenne » hors de portée du citoyen<br /> lambda, (mais parfaitement compréhensible pour beaucoup de ceux qui partagent cette vision sans l’appliquer dans la réalité), seront-elles suffisantes ou utiles pour y<br /> parvenir ?<br />
Répondre
E
<br /> <br /> Il n’est pas possible en un seul billet de récapituler la totalité des prises de position précédentes<br /> énoncées pour modéliser l’économie. Résumons :<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> -      L’économie réelle a été présentée comme l’ensemble des activités qui visent à produire des biens et services consommables, ayant une utilité qui puisse être démontrée par la<br /> consommation destructrice des richesses produites : si leurs propriétaires les consacrent à une destruction, c’est que pour eux le besoin à satisfaire est réel.<br /> <br /> <br /> -      Les<br /> liquidités ne sont pas à proprement parler des richesses, mais de l’information qui circule pour mouvementer des comptes courants dont le niveau de disponibilité reflète le niveau de pouvoir<br /> d’achat de leur titulaire.<br /> <br /> <br /> -      Les<br /> liquidités ne sont pas détruites par une consommation, elles circulent.<br /> <br /> <br /> -      Les<br /> activités qui consistent à provoquer des créations de liquidités dans les comptes courants, donc de pouvoir, en achetant des supports spéculatifs pour les revendre à une valeur conventionnelle<br /> supérieure ne débouchent pas sur une consommation. Elles ne font donc pas partie de l’économie réelle.<br /> <br /> <br /> -      Toutes<br /> les autres en font partie, y compris les activités politiques qui consistent à acquérir des statuts accompagnés de pouvoirs. Elles ont pour utilité de structurer la société pour lui permettre de<br /> développer des activités d’économie réelle. Ce pouvoir est temporaire et, par consensus général, il se consomme au fil du temps, jusqu’à sa disparition à l’échéance du titre statutaire. Si ce<br /> pouvoir n’est pas, ou est mal exercé, il peut disparaître prématurément (l’usure du pouvoir).<br /> <br /> <br /> -      Les<br /> activités politiques se distinguent des autres activités d’économie réelle parce que (en principe) elles ne donnent pas lieu à des échanges de propriété (de statuts) à titre onéreux. Par elles<br /> mêmes, elles ne sont pas affectées de circulations de liquidités ; elles peuvent tout à fait être effectuées bénévolement, sans contrepartie de richesses échangées. C’est le pouvoir qui<br /> permet d’exercer des droits et c’est leur exercice le cas échéant qui peut ou non (en fonction des décisions propres au titulaire dans le cadre de ses droits) s’accompagner de prélèvements<br /> discrétionnaires et de redistributions de liquidités (ce qui est généralement le cas, les titulaires de droits ne sont pas plus désintéressés que les individus lambda).<br /> <br /> <br /> -      Les<br /> activités de l’économie réelle ont une utilité supposée, celle de satisfaire un besoin de consommation.  Elles consomment des ressources. Dans un<br /> monde aux ressources limitées, il convient de jeter un regard attentionné aux besoins, aux ressources consommées, et à la pertinence des productions par rapport aux besoins, c’est cette vision<br /> multidimensionnelle qu’il faut acquérir.<br /> <br /> <br /> -      Cette<br /> vision met en évidence que certaines activités de l’économie réelle ne reviennent en fait qu’à complexifier le système socioéconomique pour supporter les luttes de pouvoir qui se déroulent à la<br /> fois au travers des activités politiques et des activités spéculatives. Leur effet combiné engendre des fractures sociales globalement dommageables et perturbatrices pour l’économie<br /> réelle.<br /> <br /> <br /> <br />

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  • Ahuri par certains comportements, allergique au prêt-à-penser et narquois à l'égard du politiquement correct.

Pour en savoir plus, se reporter à la page "Le masque d'Esope";
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