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24 octobre 2013 4 24 /10 /octobre /2013 11:27

temps 1  

  La chronologie a toujours raison, même dans les contes de fées. 

 

Nous avons sélectionné Cendrillon comme symbole de l’économie réelle, celle qui regroupe toutes les activités élémentaires permettant d’assurer les multiples consommations de l’espèce humaine. A ce titre et compte tenu des billets précédents, nous pouvons deviner qu’elle était contrainte par les deux autres personnages symboliques, fréquents dans les contes de fées, la marâtre politique, autoritaire et enfermée dans sa bulle peuplée de fantasmes de pouvoir et de célébrités discutables, et le lycanthrope (ou tout autre ogre vorace) spéculateur, exploiteur et jouisseur.

Nous avons perçu également que toutes ses activités, indépendamment des pressions de ses deux tuteurs indignes, n’avaient pas nécessairement une utilité incontestable et qu’elle perdait peut-être trop de temps à des occupations parasites.

Le sujet n’étant pas encore complètement épuisé (si j’ose le prétendre) nous allons regarder une troisième tyrannie, encore plus implacable car elle s’impose même aux deux autres  protagonistes, c’est celle de la chronologie, autrement dit celle des calendriers et des horloges. Les douze coups de minuit sonnent toujours trop tôt pour Cendrillon, au grand dam des carrosses et des parures d’apparat.  

 

En effet, pour produire, et ce d’autant plus que le système de production est plus complexe, il faut au préalable s’en être donné les moyens, et prendre tout le temps de dérouler les processus productifs. Il faut avoir mis en fonction des équipements, approvisionné des ressources et formé convenablement des opérateurs. Si la logistique d’approvisionnement se calcule en mois, l’investissement productif en équipements et en formation demande de s’en préoccuper des années d’avance. Et tout cela doit viser des besoins futurs dont certains sont à peine envisageables, au risque de se tromper lourdement et de perdre tout ce que l’on a investi.

 

Pendant toutes les phases préparatoires, celles qui précèdent la production finale, il faut assurer la consommation de tous ceux qui préparent les consommations futures (et de ceux qui produisent déjà pour le quotidien des producteurs et de tous les autres qui s’approvisionnent au râtelier commun). En pratique, cela veut dire qu’il faut engager des liquidités supplémentaires par rapport à celles qui alimentent la consommation actuelle, avec une prise de risque non négligeable, bien avant que les consommations prévues puissent s’effectuer.

 

En conséquence, avant le retour sur investissement, il faut augmenter le flux des liquidités tournant en circuit fermé dans le cycle production/consommation alors que la production consommable stagne encore. Cela peut se faire en recyclant l’épargne inutilisée ou en provoquant la création de liquidités. La valeur nominale des richesses consommées augmente alors que leur quantité ne bouge pas encore. C’est l’inflation « saine » qui accompagne la croissance (la courbe de Phillips).

Le phénomène peut être atténué par les gains de productivité. Si le volume de certaines richesses consommées s’accroît sans nécessiter des liquidités supplémentaires. Leur prix va alors baisser.

A contrario, si certaines ressources, richesses intermédiaires ou richesses finales se raréfient en raison à la fois des consommations finales en cours et de l’investissement dans des productions futures, leur prix va augmenter. C’est habituellement cette tendance qui l’emporte.

Dans les secteurs où les gains de productivité sont faibles, et c’est généralement le cas dans les productions de base, l’effet inflationniste joue à plein. Dans les secteurs innovants, celui des produits dont on se passait autrefois, les gains de productivités sont élevés et l’effet déflationniste se constate. Pour prendre un raccourci, disons que le prix des patates augmente alors que celui des smart-phones G4 baisse. Les classes sociales « d’en bas » se lamentent, les classes « d’en haut » se réjouissent, la fracture sociale se creuse, et les statisticiens macro-économistes, obnubilés par la comptabilité, ne comprennent pas ce qui se passe parce que les chiffres disent que l’inflation est contrôlée tant que la résultante des deux tendances combinées est modérée.

 

Il faut dire que l’inflation est un sujet très sensible. Les politiciens en place la redoutent parce qu’elle est source de mécontentement généralisé quant à leur conduite des affaires. Les spéculateurs l’ont en horreur car elle diminue la valeur « réelle » des liquidités, donc leur capacité effective d’échange, et la crédibilité des actifs comptables. Les consommateurs la craignent car elle réduit leur pouvoir d’achat réel.

Les trois partenaires se liguent factuellement pour la rogner et s’arrangent pour dénaturer la plupart des prétendus investissements < Investissement Carnaval >.

Les politiciens matraquent les entrepreneurs « réels » à coup de taxes et de prélèvements divers. Les financiers pompent l’épargne en alléchant les épargnants qui craignent pour leurs économies. Qui plus est, pour eux l’investissement productif est risqué car ils ignorent superbement les réalités productives réelles, avec les aléas qui les accompagnent. Les consommateurs cèdent aux sirènes des financiers et affectent leurs économies à des produits dérivés à rendement attractif (en endossant ainsi les risques pris sur les créances par les spéculateurs institutionnels), quitte à emprunter pas ailleurs à des coûts plus faibles pour des consommations. La résultante est une crise de financement pour les investissements utiles, quel que soit le volume des liquidités injectées dans la consommation en tant que panacée pour une mythique « croissance ». Au mieux, il se produit quelques frémissements sur le PIB comptable mais le mécontentement et le chômage progressent tandis que les consommations baissent et que la rigueur s’installe.

 

Quand bien même nos dirigeants factuels perchés dans leurs tours d’ivoire comprendraient-ils la réalité des processus qu’ils torpillent de droite et de gauche, quand bien même ils auraient une vision opérationnelle des fonctionnements réels, ils buteraient sur un autre problème.

S’inscrire dans une vision chronologique « réelle » impose une prospective sur les besoins, prospective à la fois qualitative et quantitative. Dans un monde aux ressources limitées c’est indispensable. Ce n’est pas avec des statistiques comptables sur le passé qu’ils peuvent avoir une vision valable pour un nombre respectable d’années futures. C’est encore plus manifeste quand ils sont incapables de raisonner au-delà des prochaines échéances électorales et des péripéties quotidiennes des rivalités claniques de leur microcosme.

Mais peut-on traiter valablement ce problème de prospective générale qui ne peut que s’inscrire dans une logique de besoins valable pour une génération ?

 

Nous pouvons au moins suggérer un préalable et un mode opératoire. Si d’aucuns ont mieux à proposer qu’ils ne se retiennent surtout pas de la faire.

Le préalable est à la fois la vision multidimensionnelle (déjà évoquée sur ce blog) et la prise en considération des besoins globaux, dans notre économie mondialisée incapable de revenir en arrière sans une régression désastreuse. C’est adopter une vision non pas égocentrée mais ouverte sur « les autres et leurs réalités », une vision altruiste.

Le mode opératoire est d’adopter les modèles qui font la preuve de leur efficacité. Il en est un qui fonctionne sur Terre depuis la nuit des temps. Il combine la porte ouverte à toutes les possibilités d’évolution et la sélection des avancées prometteuses. C’est par exemple de cette façon que s’est faite la sélection des espèces animales et végétales dans l’agriculture.

Transposée à notre problème, c’est d’abord faciliter l’entreprenariat avec quelques précautions préalables pour éviter les risques évidents. C’est ensuite bloquer rapidement les démarches nuisibles aux intérêts collectifs à grande échelle, à moyen et long terme.

Vous allez me dire qu’est-ce que signifie « nuisible » ? Je vous propose alors « nuisible à la dignité humaine de l’acteur et de tous ceux qui se trouvent impliqués dans les conséquences de l’entreprise en question ». C’est bien sûr une question de civilisation.

Il faut sans doute commencer par se civiliser pour trouver un sens commun à la vie humaine mais je passe alors la parole aux philosophes dont je ne suis pas.

 

En revenant vers le fabuliste soussigné, nous retrouvons à Cendrillon. Pour se soumettre au temps, elle s’est trouvée obligée de regarder à la fois le calendrier et l’horloge. Pour maîtriser ses délais d’approvisionnement, elle a du se mettre à la culture potagère et fruitière ainsi qu’à l’élevage des volailles. Elle s’est organisée avec ses homologues des châteaux voisins pour procéder à des échanges et elle s’est fait affecter un petit pécule pour pouvoir aller au marché, mais elle est très économe car ses persécuteurs sont très regardants. Elle planifie ses journées pour servir à la bonne heure le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner, tout en vaquant à ses autres occupations inévitables. Ses petites mains (et ses petits pieds avec ou sans pantoufle) ne chôment pas

 

Comme elle est coquette, elle essaye de mettre un peu d’argent de côté pour pouvoir s’offrir un peigne et une brosse pour se coiffer mais ce n’est pas facile.

Ses tuteurs se plaignent tout le temps et quand elle a été prévenue trop tard de leurs exigences, qu’elle n’a pas pu les satisfaire, ils viennent taper dans sa caisse pour aller au restaurant.

Le lycanthrope vient y puiser aussi pour aller au casino jouer au poker. Quand il gagne, il rembourse avec un tout petit intérêt. Il a même réussi à lui soutirer ses petites économies à elle pour « les faire fructifier ». Quand il perd, il vient lui demander quelques faveurs qu’il rétribue avec des reconnaissances de dette en guise de remboursement.

La marâtre tape aussi dans la caisse pour donner des oboles aux quémandeurs qui font la tournée des châteaux et qui viennent sonner à sa porte, car elle espère bien qu’ils voteront pour elle aux prochaines municipales. Elle, elle ne rembourse jamais.

 

Pour renflouer sa caisse, Cendrillon vend ses recettes de cuisine mais c’est de plus en plus difficile parce que maintenant tout le monde les connaît. Elle vend aussi ses ustensiles en espérant pouvoir les remplacer un peu plus tard et, en attendant, elle essaie d’en emprunter. La aussi c’est de plus en plus difficile. Elle est arrivée à vendre cher son presse-purée à manivelle à une collègue chinoise, en la convaincant que la soupe moulinée était meilleure que sa soupe traditionnelle. Maintenant, elle s’en mord les doigts car ses maîtres trouvent qu’il y a trop de grumeaux dans la purée écrasée à la fourchette.

Elle se demande aussi comment elle va pouvoir payer le combustible pour ses fourneaux car son prix augmente continuellement.

Bref, sa vie n’est pas rose. Elle attend toujours sa marraine, la bonne fée, mais il semble que celle-ci est trop occupée pour voir le temps passer car elle n’est  toujours pas venue. En attendant, Cendrillon cultive des citrouilles : au moins, on peut en faire du potage et elle pourra peut-être en vendre aux sorcières pour Halloween.

 

à plus …

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